Apprendre & Pratiquer le métier d'écrivain

Françoise Baudin – Stage questions de style (mai 2016)

Texte présenté au terme du stage

Il n’était pas une fois

Aujourd’hui, 23 mai 2016 à 11h30, le dénommé Clément SONGE, huit ans, écolier, porte plainte contre son père Armand SONGE, trente-quatre ans, avocat à la cour.
Objet de la plainte : Le mensonge. Il l’accuse de perdre son talent à défendre des histoires à dormir debout.
Clément déclare qu’il retirera sa plainte lorsque son père verra la vérité. Prenant un temps d’arrêt, l’enfant se souvint : Prends tes responsabilités ! Lui avait-il dit.
Armand rétorque : « Et alors ! En ce moment, je défends Blanche-Neige, accusée par sa marâtre ».

De retour au bureau, l’avocat tournait et retournait le problème. Qu’allait-il faire du dossier ? Toutes ces pages qui avaient turlupiné ses nuits… Même sa poubelle sélective n’en voulait plus. Elle s’était fermée à double tour dans un beurk explicite. Et puis, merde, elle avait la pédale fragile !
Le cas Blanche-Neige atterrit sur la chaise. Armand s’assit dessus.
« Nom d’un avocat marron, ça ne va pas se passer comme ça ! Explosa-t-il ».
La poubelle fila sous le bureau. Elle ruminait : Au chiotte le grand maître ! …Lui botterai le cul, moi, avec ses grands airs !
Un coup de pied nerveux étouffa la révolte dans l’œuf. Le maître se levait. Il ouvrit sa penderie et caressa sa prestigieuse tenue : Vérité, mensonge… Mensonge, vérité… Songea-t-il.
Pendant ce temps, la poubelle ragaillardie envoyait un texto complice :
Il-commence-à-comprendre : – )
Pas-trop-tôt !!!! Répondit Clément.

Armand passa un coup de fil et rentra chez lui. Au matin, il prépara le petit déjeuner, s’assit et entendit le pas de son fils.
« Ah ! L’heure est grave ! Dit ce dernier ».
Le père, debout, levait la main droite.
« Je jure de dire toute la vérité.
—   Je vous écoute, dit l’enfant.
—   C’est bon, je clos l’affaire, répondit Armand.
—   Sérieux Maître ? »
Armand fit une tête d’accusé libéré.
« Hier, j’ai appelé Blanche-Neige. Je lui ai dit : « Prenez vos responsabilités ! Si votre belle-mère vous emm… quiquine, mettez-lui un bourre-pif et cassez-lui son miroir sur la tête. Ça vous coûtera moins cher qu’une plaidoirie inutile. Ah ! Et changez de prénom !
— Ben quand même, papa ! T’as enfin compris que tes effets de manche, c’est du vent. Les contes sont indéfendables, voyons ! Reprit Clément l’index de chaque main effectuant un mouvement de rotation inversé sur ses tempes.


Texte revu après stage

Il n’était pas une fois

Aujourd’hui, 23 mai 2016 à 11h30, le dénommé Clément SONGE, huit ans, écolier, porte plainte contre son père Armand SONGE, trente-quatre ans, avocat à la cour.
Objet de la plainte : Le mensonge. Il l’accuse de perdre son talent à défendre des histoires à dormir debout.
Clément déclare qu’il retirera sa plainte lorsque son père verra la vérité. L’enfant se souvenait très bien : Prends tes responsabilités ! Lui avait-t-il dit.
Armand rétorque : « Et alors ! En ce moment, je défends Blanche-Neige, accusée par sa marâtre d’être plus belle qu’elle. Pour le savoir, elle interroge son miroir ».
Clément réfute que Blanche-Neige n’est pas un prénom, 1er mensonge. Il admet qu’elle peut être plus belle que sa belle-mère mais que ce n’est pas possible de questionner un miroir, 2ème mensonge et qu’en plus, ça ne répond pas parce que ça ne parle pas, 3ème mensonge.
Moi, le grand avocat, se dit Armand, me voilà obligé de transformer la vérité, celle que veut entendre mon fils. Je dois mentir et réinventer les contes.
De retour au bureau, préoccupé par la tournure des évènements, l’avocat tournait et retournait le dossier problématique. Qu’allait-il faire du cas Blanche-Neige qui coupait son éthique en deux ? Toutes ces pages qui l’avaient turlupiné la nuit, mettant à mal ses neurones persuasifs et ses dendrites explosives, ne servaient plus à rien. Même sa poubelle sélective n’en voulait plus. Elle avait recraché les feuilles indigestes dans un beurk explicite. Elle s’était fermée à double tour, redoutant l’affluence de papier qui dérangerait sa quiétude naturelle. Et puis, merde, elle avait la pédale fragile ! Et elle connaissait le zigoto !
Les mains d’Armand pianotaient sur la couverture, cherchant comment traiter ce pavé dans la marre. Finalement, elles le jetèrent sur le siège d’à-côté. Armand s’assit dessus.
« Nom d’un avocat marron, ça ne va pas se passer comme ça ! Explosa-t-il ».
Non, ça ne va pas se passer comme ça, pensa Armand avec force, se levant de son siège. Le dossier regonfla ses feuilles. La poubelle, tétanisée, fila sous le bureau épiant le maître en action. Ce dernier faisait les cent pas, mâchoires serrées, bras au ciel ou mains sur les hanches. Il envoyait dans le décor le plus petit obstacle qui empêchait son mouvement.
La poubelle souleva son couvercle de désappointement. Avec l’habitude, elle savait qu’elle était toujours au mauvais endroit et qu’elle bénéficiait du premier coup de pied. Ne pouvant satisfaire sa colère, Armand fixa la penderie où était sa robe. Tous les objets au sol avaient pris la poudre d’escampette. La poubelle ruminait : Au chiotte le grand homme ! …Lui botterai le cul, moi, avec ses grands airs ! Qu’il me la file sa robe, il va en déguster des bafouilles indigestes !
Un coup de pied nerveux étouffa la révolte dans l’œuf. Le maître se levait. Calme, très calme, il ouvrit religieusement la penderie où était sa prestigieuse tenue. Il contempla le tissu noir, brillant de notoriété : Vérité, mensonge… Mensonge, vérité… Songea-t-il. Ouh ! Ma tête. Et mes dolipranes … Jamais là quand j’ai besoin d’eux.
Pendant ce temps, la poubelle ragaillardie envoyait un texto complice :
Il-commence-à-comprendre : – )
Pas-trop-tôt !!!! Tapa Clément.
Armand vint se rasseoir sur le dossier qui souffla sa déception. Il passa un coup de fil, ferma la porte de son bureau et rentra chez lui, bien décidé à parler à son fils. Le matin venu, il prépara un petit déjeuner copieux et entendit le pas de Clément.
« Ah ! L’heure est grave ! Dit ce dernier ».
Armand sourit. Le rituel n’avait pas échappé au petit. Il posa la main gauche sur la partie haute de sa chaise et leva l’autre.
« Armand SONGE, trente-quatre ans, avocat à la cour, je jure de dire toute la vérité.
—   Je vous écoute, dit l’enfant, croisant les bras sur sa poitrine.
— En fait, ce que tu me reproches, ce n’est pas de te mentir, mais de me mentir à moi, n’est-ce pas ? Alors c’est bon, je clos l’affaire en cours, répondit Armand.
— Sérieux Maître ? »
Armand fit une tête d’accusé libéré.
« Hier, j’ai appelé Blanche-Neige. Je lui ai dit : « Prenez vos responsabilités ! Si votre belle-mère vous emm… quiquine, mettez-lui un bourre-pif et cassez-lui son miroir sur la tête. Ça vous coûtera moins cher qu’une plaidoirie inutile. Ah ! Et changez de prénom !
— Ben quand même, papa ! T’as enfin compris que tes effets de manche, c’est du vent. Les contes sont indéfendables, voyons ! Reprit Clément l’index de chaque main effectuant un mouvement de rotation inversé sur ses tempes.