Apprendre & Pratiquer le métier d'écrivain

Comment les sujets d’actualité stimulent les auteurs ?

Les sujets d’actualité peuvent stimuler les auteurs en quête de sujets. Plus encore, cette actualité peut considérablement enrichir leur écriture. Cet article vous explique comment l’actualité peut nourrir votre esprit.

Comme vous, j’écoute les infos. Le minimum syndical, car s’il me semble nécessaire de me tenir informé, j’essaie de ne pas le faire au détriment de ma santé mentale. Allumer la radio ou regarder la télévision, c’est ouvrir le robinet des mauvaises nouvelles en jet continu. Voilà pourquoi je préfère la plupart du temps les stations musicales aux émissions ayant comme axe principal les névroses du monde. Pour autant, il serait dommage de bouder les sujets d’actualité, source inépuisable d’inspiration. Mais que peut-on vraiment extraire de la matière des jours qui passent ? En piochant le sujet, on constatera qu’il y a moyen d’enrichir ses descriptions, ses dialogues et la profondeur de ses sujets, entre autres…

Murmure de l’écriture dans une époque bavarde

Des voix de l’actualité à la voie du schisme

Il est évident que les actualités fabriquent une époque, toutes les voix s’y mêlant devant être entendues. Certaines irritent nos tympans, d’autres sont du miel à nos oreilles ; une fois l’agacement passé et le ravissement savouré, on réfléchit. Qu’une chose nous ait heurtés ou satisfaits, voire inquiétés ou rassurés, il y a moyen d’en faire toute une histoire. Et que demandons-nous de mieux que d’en écrire ? Qu’il s’agisse d’un crime horrible ou d’une découverte épatante ; d’un écœurement durable ou d’un émerveillement passager : il n’y a qu’à se baisser pour cueillir ce fruit aux saveurs si contrastées qu’est l’actualité. Se pencher dessus jusqu’à l’écartèlement de l’âme : écologisme, racialisme, féminisme, antispécisme, fanatisme, véganisme, sexisme, séparatisme, etc., tout ce qui se termine en isme paraît mener au schisme.

Examen de la vocifération sociétale

Bien sûr, en tant que scripteur éclairé, on doit prendre position, ou au moins posséder un avis qui s’il n’est pas tranché se veut propice à nourrir celui du lecteur. Examiner la société qui vocifère est un des métiers de l’écrivain. Eh oui, nous en comptons plusieurs, des tâches littéraires, tout bien réfléchi ! Inventer une histoire prend sa source dans une réalité qu’il nous appartient dans une certaine mesure de déformer pour la rendre plus vraie que nature. Les faits divers, les tendances, les scandales, tout ce qui est aspérité est notre matériau, notre pâte à pétrir. Même les écrivains les plus détachés de ce qui compose le quotidien y puisent plus ou moins consciemment leurs idées. Alors, pourquoi s’en priver ? Voyons ce qu’on peut sélectionner dans le flux d’informations qu’on nous déverse chaque jour dans le cerveau…

Remonter le courant du flot de paroles

Détacher une information de l’autre n’est pas un processus intellectuel aisé quand on considère la pléthore de données ingurgitées par notre esprit en ce laps de temps très réduit que sont les journaux et autres bulletins, qu’ils soient télévisés ou radiophoniques. Je ne parle même pas du mitraillage du Net où un clic appelle l’autre aux dépens de la profondeur de jugement. Les sujets s’enchaînent sans qu’une cohérence quelconque soit de mise, puisque l’incessante activité mondiale oblige les journalistes à constamment sauter du coq à l’âne, comme le fameux « sans transition » nous l’indique régulièrement. On peut pourtant retirer de précieux outils d’un apport aussi fourni en ayant l’esprit tourné de telle manière que la moindre image ou le moins tumultueux des flots de paroles stimulent notre imaginaire.

Les flammèches littéraires

Là où brûle l’inspiration (à consumer avec modération)

La semaine dernière, j’ai vu un reportage montrant un viticulteur aidé de plusieurs personnes qui, à 4 heures du matin, alignaient des bougies dans des pots le long de rangs de vignes afin de lutter contre le gel des bourgeons, qui peut vous flinguer une récolte en une nuit. Ce qui, malgré tous leurs efforts, a hélas fini par arriver. J’ignorais tout de cette méthode visant à préserver le fruit de ce labeur d’un froid féroce, et au-delà du côté tant insolite que désespéré du procédé, l’aspect visuel m’a frappé. C’est typiquement une image susceptible de créer un effet de nature à intriguer ou surprendre le lecteur, voire de le séduire. En la contextualisant, il y a mille façons de s’en servir pour enrichir un texte.

Cep de ligne

Voici par exemple ce qui m’est venu en tête : « Sa fuite l’avait mené dans un champ planté de vignes où des centaines – des milliers ? – de feux semblaient sortir de terre. De petites flammes alignées comme une armée brûlante à la manière d’humbles rivales du ciel gonflé d’étoiles. Cela lui évoqua une parcelle de la géhenne. Malgré la proximité de ses poursuivants, les aboiements des chiens résonnant dans l’air glacé, il se figea devant ce spectacle irréel, songeant que pour lui il gelait déjà en enfer. » Ça pose une ambiance, non ? Sans forcément apporter quelque chose d’essentiel à votre histoire, quoique, cette vision-là ou toutes celles vous venant à l’esprit peuvent conférer du « volume littéraire » à votre écriture. C’est toujours bon à prendre, n’est-ce pas ?

S’élever au-delà des remparts

Il y a par ailleurs, bien sûr, des émissions de débats traitant de l’actualité en la mettant davantage en lumière – d’autres flammèches intellectuelles. Elles permettent à l’esprit de s’éveiller, à la seule condition que les débatteurs ne fassent pas de leurs certitudes un rempart repoussant systématiquement les idées de leurs interlocuteurs. Certes, le respect de l’autre prévaut rarement et ce qui est supposé être un échange de réflexions constructives tourne trop souvent à la joute verbale où pour faire entendre son opinion il faut que celle de son contradicteur ne soit pas audible. Où l’intensité des décibels remplace la hauteur de vue. Mais on va voir que lorsque la discussion s’élève, un écrivain peut s’y retrouver.

L’actualité et les dialogues

L’éclairage des oiseaux rares

Quand la courtoisie s’invite sur un plateau télé ou dans un studio de radio, et en l’absence de discours creux, on a de fortes chances d’être pertinemment éclairé sur le sujet d’actualité abordé. Partons du principe qu’un écrivain possède sa propre vérité sur ce thème-ci et qu’il désire l’exploiter dans son roman ou sa nouvelle. Les éléments fournis par des débatteurs respectueux – ces oiseaux rares existent – lui permettront de nuancer son propos en accédant à des angles d’approche auxquels il n’avait pas songé. Si suite aux enseignements récoltés cet auteur fait preuve d’honnêteté intellectuelle, il crédibilisera son point de vue en mettant dans la bouche de ses personnages les arguments évoqués par chacun des intervenants. Ça aussi, c’est à voir d’un bon œil afin de bonifier une histoire, notamment à travers les dialogues.

Lutter contre la narration stérile

Ne pas présenter une vision unilatérale est la base d’un bon dialogue et le soutènement de votre réflexion, ce que votre lecteur appréciera quelle que soit la position que vous défendez. Même lorsque deux personnages fictifs finissent par tomber d’accord, il est plus intéressant pour le lecteur qu’une appréciation différente d’une situation les caractérise au départ. Dans le cas contraire, un dialogue est vidé en grande partie de ce qui fait son utilité, voire sa subtilité, soit aider à la progression du récit. Cela ne signifie pas que les personnages doivent tenir des propos hostiles ou avoir des opinions diamétralement opposées. Simplement, il faut éviter que ce que vient de dire l’un ne soit que reformulé par l’autre sans le prolonger d’une manière ou d’une autre. Faute de rebondir réplique après réplique, un dialogue est stérile d’un point de vue narratif. Comme lorsque d’un flash info au suivant, le contenu ne varie guère puisque l’objet d’un bulletin est la répétition, pas le développement, sauf fait nouveau évidemment.

Le moulin de l’actualité

Ainsi, il ne faut pas subir l’actualité en n’approuvant que ce qui va dans notre sens, mais englober ce qui est à la fois de nature à apporter de l’eau à notre moulin comme ce qui est capable de lui briser les ailes. Le but de cette démarche est simple : éviter le surplace de la pensée et le manichéisme qui tous deux feront fuir votre lecteur. Ce dernier prendra cependant grand soin d’examiner un fait heurtant ses croyances dans l’espoir d’y dénicher une faille qui le confortera dans ce qu’il a toujours tenu pour acquis. À l’inverse, il ne s’attardera par sur une explication même la moins rationnelle si elle abonde dans son sens. Nous possédons tous un fond manipulateur quand il s’agit d’imposer nos idées ou de rejeter celles des autres, bien qu’on s’en défende. L’impartialité dans notre façon d’appréhender l’actualité est un leurre lié avant tout à ce qu’on souhaite en réalité entendre, préférentiellement à ce qu’on désire apprendre ou comprendre.

L’actualité dans un linceul de papier

Le journal sur le porte-avions

Je ne vais pas m’en aller avant d’avoir glissé un journal dans votre boîte aux lettres : vous savez, cette bonne vieille presse papier qui n’en finit plus d’agoniser malgré les subsides de l’État. Des aides visant d’ailleurs de plus en plus à accompagner ces journaux dans leur transition vers le numérique. Le progrès est en route et le passé est dans le fossé, c’est dans l’ordre des choses. Profitons donc encore un peu de pouvoir apprécier le bruissement caractéristique que fait notre quotidien quand on en tourne la première page. La plupart des formats ont été réduits au fil des ans, en rendant le maniement plus aisé, quand auparavant il fallait l’équivalent d’un pont d’envol de porte-avions pour l’étaler et s’assurer une lecture confortable ! Voyez, à présent qu’il est presque ramené aux dimensions d’un bulletin paroissial, on l’a bien en main.

La paresse rotative

Une fois ouvert – déplié serait un terme trop fort, dorénavant – il nous saute aux yeux… que rien ne nous saute aux yeux ! Je veux dire par là qu’en dépit des gros titres, nous ne sommes pas agressés par l’actualité. Pourquoi ? Car nous avons l’avantage de ne pas être bousculés par les informations, puisque c’est nous qui dictons le rythme auquel on souhaite accéder à celles que les pages contiennent, et dans l’ordre qu’il nous plaît. Et, dans une rotation paresseuse, d’en picorer tranquillement plusieurs afin de dénicher, pourquoi pas en les amalgamant, un excellent sujet. Si en prime l’envie nous prend de nous saisir de cet outil archaïque qu’est un stylobille afin de remplir une grille de mots croisés ou de résoudre celle de Sudoku, quitte à interrompre la lecture d’un article en plein milieu, rien ne nous en empêche. Si j’osais une petite finesse, je dirais qu’avec notre journal, rien ne presse…

Les contraires du syncrétisme

Contrairement au Net qui incite à ouvrir beaucoup de fenêtres d’un clic en ne voyant que superficiellement le paysage ; à la radio dont le débit verbal continu peut reléguer aux oubliettes un détail important à la moindre seconde d’inattention ; à la télévision où le pouvoir hypnotique des images peut entraîner un oubli partiel de ce qui défile sous nos yeux et en altérer la teneur d’ensemble… contrairement à tout ça, donc, l’actualité pourrait presque trouver dans sa version papier une souplesse de compréhension idéale… si elle n’était pas inadaptée à la vitesse de son époque et soumise à des modèles économiques n’étant plus rentables depuis des lustres. L’adage « La radio annonce l’événement, la télévision le montre et la presse l’explique » n’est donc plus à son tour… d’actualité !  Alors, le salut viendrait-il d’un syncrétisme de ces religions d’information qui de complémentaires semblent pour une certaine partie devenues contraires ? Cette question d’une actualité brûlante n’a pas fini de faire bouillir beaucoup d’encre…

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Crédit photo : Photo by Nicolas Bru