Apprendre & Pratiquer le métier d'écrivain

Comment commencer à écrire un livre

Pour tout débutant, comment commencer à écrire un livre est une aventure difficile à aborder. Quelle en est la première réelle étape ? Avoir une idée suffit-il pour créer un chef d’oeuvre ? Le plan appris sur les bancs d’école, est-il toujours en vigueur ?

Première partie

C’est souvent la grande affaire pour qui est un amoureux inconditionnel de la littérature : écrire un bouquin, et, pourquoi pas, se retrouver à son tour sur l’étagère d’un lecteur qu’on ne rencontrera probablement jamais. Matérialiser le rêve de devenir écrivain, en quelque sorte. En caresser la couverture, si l’on veut. Pour parvenir à ce qui peut se révéler le but d’une vie, rêvasser à une possible gloire ne vous permettra pas d’y accéder. Réaliser ce souhait cher à votre cœur demeurera lettre morte tant qu’aucune action concrète n’en permettra la mise en œuvre. Alors, il serait grand temps de mettre les mains dans l’encrier, non ?…

De l’échec au succès

Les causes de l’échec

On ne réussit pas à tous coups. Et surtout pas au premier essai. Ou si rarement que c’en est anecdotique. Il faut donc envisager la possibilité suivante avec toutes les réserves de sérénité dont vous disposez : on n’est un bon écrivain que lorsque les lecteurs autres que vos amis vous le disent, et non pas quand vous décréter l’être. Il n’y a absolument rien de désastreux à ne pas immédiatement intégrer les rangs de celles ou ceux considérés comme possesseurs d’un talent suffisant à repartir avec le contrat d’un éditeur sous le bras. Non, la phrase précédente ne contient aucune allusion à un quelconque problème épilatoire des aisselles.

Les raisons du succès

Le travail. Fin de ce paragraphe.

Les raisons du succès, version longue

Le talent est ce que le travail veut bien en faire : un immense gâchis ou une persévérance récompensée. Vous pourrez commencer à écrire un bon livre avec du talent, mais vous ne pourrez pas le finir sans travail. Hormis le fait d’apprendre les bases de ce métier, l’approche intellectuelle de votre projet sera prépondérante. Il ne s’agira pas de s’y mettre un beau jour en se disant « Tiens, cette idée pourrait donner une histoire intéressante » sans avoir réfléchi avant même l’écriture de la première ligne à ce qui en fera un récit apte à captiver l’attention de votre lecteur.

Des fourmis sur un trampoline

Je comprends la fougue des auteurs en herbe fourmillant d’idées et songeant être en mesure de les valoriser par leur seule énergie ou leur envie de bien faire. Je pige aussi cet élan créatif qui leur met les méninges en ébullition et les font se ruer à leur table de travail en ayant, pour une partie d’entre eux, le sentiment de posséder une vision littéraire qui provoquera l’admiration de celui qui la découvrira. Du moins, quand elle apparaîtra dans sa magnifique clarté chapitre après chapitre jusqu’à la conclusion du roman. L’auteur peut voir la portée de son œuvre avant d’en avoir imaginé la structure ; le lecteur, non. D’ailleurs, ce n’est pas son boulot : si vous lui proposez d’atteindre la lune en sautant sur un trampoline, il éprouvera quelques difficultés à se laisser entraîner par votre enthousiasme, aussi sincère soit-il.

L’idée, le mur et le gouffre

L’euphorie fracassée

L’écriture est le mûrissement d’une idée. Se précipiter pour l’élaborer est le pourrissement de son potentiel. Tout à l’impatience de débuter votre premier bouquin, vous foncerez en pensant convaincre de la richesse de cette idée par le simple fait de l’exposer. Ce qui dans votre esprit possèdera la luminosité nécessaire pour que votre lecteur y adhère mettra en lumière dans son regard ce qui en fera ressortir tous les défauts. Pourquoi ? Car dans votre désir irrépressible de la mettre noir sur blanc, vous la lui présenterez sans forcément en détailler ses meilleurs atouts ou ses prolongements les plus intéressants. Se mettre en tête de coucher au plus vite sur le papier un sujet est une démarche euphorisante, mais qu’elle soit reçue avec une indifférence polie est la pire source de découragement. Alors autant éviter de voir son élan stopper net en le fracassant contre une muraille de désillusions.

Pas de cui-cui quand c’est cuit

Puisque foncer dans un mur n’est pas le meilleur moyen de l’escalader, apprenez dans un premier temps à en garder sous la pédale afin de vous hisser jusqu’à son sommet. Commencer l’écriture d’un livre réclame des forces qu’il convient de ne pas gaspiller en collectionnant des revers évitables. Si vous envoyez à un éditeur un manuscrit bourré de fautes d’orthographes, de grossières erreurs de narration, doté d’une intrigue cousue de fil blanc, de personnages plus transparents que l’homme invisible et pourvu d’un propos aussi profond qu’un dé à coudre, attendez-vous à vite déchanter.

Deux notions pour ne pas repartir de zéro

Voilà pourquoi le travail en amont est primordial. Vous aurez peut-être l’impression de perdre du temps si la frénésie d’écrire qui vous anime vous pousse à écrire au fil de la plume en vous disant « on verra bien ». Sauf que ça ne fonctionne pas comme ça. Les notions élémentaires à retenir avant de se lancer dans l’écriture d’un roman – ou d’une nouvelle, d’ailleurs, sont au nombre de deux. Accepter le nécessaire apprentissage qui améliorera vos textes ; être conscient des bases que vous possédez pour cerner les points sur lesquels vous devrez bosser en priorité. Sans quoi, une fois mesuré le gouffre entre ce dont vous estimiez être capable et la réalité du niveau d’exigence pour parvenir à le combler, vous n’aurez plus qu’à tout reprendre de zéro. En ayant perdu du temps là où vous pensiez en gagner.

Le bon plan

Travail, abnégation, gongs et grelots

Le labeur et l’humilité sont les premiers pas à accomplir pour éviter de se casser la gueule à peine votre chemin vers l’écriture entrepris. À quelques mots près, ce pourrait être un précepte enseigné dans un lointain monastère bâti entre les pics enneigés d’une montagne où des types en toge luttent contre le froid en agitant leurs grelots. « Pas de boulot, va au dodo, pas de modestie, retourne au lit » est une présentation un peu moins poétique mais tout aussi valable pour qui veut décrocher le grelot. Le gros lot, pardon. Moins poétique, mais s’inscrivant pareillement dans la réalité du quotidien de celui voulant devenir écrivain. Quotidien dont je vais vous entretenir sitôt que retentira le second coup de gong annonçant le passage concerné.

Bwooaaang ! (I)

Cet intertitre me fait amèrement regretter la carrière de bruiteur qui s’ouvrait à moi, mais là n’est pas mon propos du jour. Ni celui d’hier. Car je souhaite vous parler du lendemain : celui dans lequel vous vous projetez déjà, votre livre achevé, les masses de lecteurs trépignant d’impatience avant de pouvoir en lire la première page… celle que vous n’avez peut-être pas encore écrite, d’ailleurs. Restons donc dans l’instant présent. Ne jetons pas les lames du motoculteur avant la bougie d’allumage du moteur. Oui, fini la charrue, adieu les bœufs, faut vivre avec son temps.

Et ta journée, ç’a été ?

C’est la question que l’épouse, l’époux, ou le chien d’un écrivain lui pose en fin de journée. S’il s’agit du chien, songez à consulter. Ou à monter un numéro de cirque avec votre animal savant. Mais au fait, qu’est-ce que la journée d’un auteur ? On peut la débuter en clouant une chouette sur la porte de sa grange pour conjurer les mauvais sorts. Ça éloigne les ondes négatives propices à la page blanche tant redoutée. Si vous n’avez ni chouette ni grange sous la main, vous pouvez vous contenter d’allumer votre ordinateur. Partons du principe, en un bref résumé des épisodes précédents, que vous possédez une idée mûrie à souhait, que votre bagage technique n’est pas trop léger même s’il ne demande qu’à s’alourdir et que vous êtes bien décidé à noircir du papier.

Le bon plan

Le détail de sable

Ah. J’ai juste oublié un détail : aux deux notions évoquées quatre paragraphes plus haut, il faut absolument ajouter celle consistant à établir un plan rigoureux de votre histoire. Du début à la fin. Dans le métier, ça s’appelle aussi un séquencier, dont on se doit de maîtriser les articulations avant d’aligner le moindre mot. C’est le GPS de votre récit (quand je vous disais que nous étions entrés dans cette ère moderne où rouillent les charrues et rutilent les motoculteurs !). À l’occasion, je vous signale que le contrôle de A à Z du plan/séquencier est une des compétences enseignées par L’esprit livre. C’est un passage obligé pour quelqu’un désirant commencer à écrire un livre. Le moyen de retirer le grain de sable dans l’engrenage de l’inspiration lorsque cette dernière est bloquée et d’assurer la continuité sans faille de votre propos. Tiens, d’un coup, j’ai comme l’impression que cette troisième notion soit loin d’être un détail…

Le fourvoiement de l’esprit

Être dépourvu de plan, c’est prendre un risque énorme : celui d’effectuer mille détours dans son histoire pour finalement s’y perdre. C’est une panne qui vous laissera en rase campagne narrative, privé d’essence imaginative pour se rendre au chapitre suivant. Ou dans l’impossibilité d’établir une interaction efficace entre vos personnages, mal répartis au gré des scènes qui vous seront venues sans être arrimées à un objectif précis. Je ne parle même pas du caractère insoluble des incohérences que l’absence de séquencier génère. Pourtant, dans votre esprit, tout se tenait à peu près. Oui, dans votre esprit seulement…

L’explosion des rouages

Si une rupture de logique se présente, vous vous accrochez aux branches pour que, vaille que vaille, l’intrigue se développe. Mais la cohésion de l’ensemble prend à chaque fois un peu plus de plomb dans l’aile. Pas grave, vous supprimez un paragraphe, voire deux ou trois, qui posaient problème. Leur retrait pur et simple vous sort certes la tête hors de l’eau, mais pour un répit de courte durée. Au fil des pages, vous vous apercevez que ces passages mettant le bazar lors de certaines scènes s’avèrent indispensables à d’autres. Comment les réintégrer sans que cela entraîne de nouveaux soucis de connexions entre tous les éléments de l’histoire ? Bref, les rouages de votre texte, qui paraissaient si solides au départ, se détraquent les uns après les autres faute d’avoir été correctement huilés dès l’origine. Votre belle idée initiale a explosé en plein vol, et vous ne pouvez qu’en contempler les débris fumants…

L’organisation de vos journées d’écriture

Évacuez l’odeur de l’échec

Après ces quelques lignes déprimantes à souhait (ah, personne ne vous a prévenus que j’étais sadique ? Oh, quel dommage !), vous pouvez ouvrir en grand les fenêtres de votre cerveau pour pousser un gros soupir de soulagement, car vous n’aurez pas à respirer cette tenace odeur d’échec si vous respectez ces trois notions. Ni à affronter le sentiment de découragement qui va avec. Maintenant que vous voilà fin prêt, le cœur à nouveau plein de courage après avoir entrevu quelques-uns des dégâts subis par un auteur en herbe ne possédant aucun cap digne de ce nom, il ne vous reste qu’à patienter une semaine pour voir de quelle façon organiser vos sessions de boulot.

D’ici là, ne restez pas les bras croisés : ça nuit à la précision des doigts sur les touches du clavier…