L’envie d’écrire passée à la loupe
L’envie d’écrire passée à la loupe. Derrière un pourquoi écrire se dessinent de nombreuses voies. De quoi alimenter durablement son inspiration …
On a vu combien écrire pouvait ne pas tomber sous le sens pour les personnes ne pratiquant pas cet encrage de l’esprit. C’est d’autant plus compréhensible que ceux consacrant du temps à la littérature sont parfois eux-mêmes gênés aux entournures pour répondre à un lecteur leur demandant bien innocemment ce qui les pousse à aligner des chapitres. C’est pourquoi j’aimerais que nous continuions à nous la poser, cette satanée question : Pourquoi écrire. Avec l’espoir de puiser dans ce qu’elle a d’inspirant des réflexions aptes à irriguer notre approche du métier d’écrivain…
Lire la 1ère partie de l’article : Écrire, mais pourquoi ?
Sommaire
Les carburants de l’écrivain
Du plein de compliments…
Un écrivain est comme un véhicule hybride : différentes énergies peuvent le faire avancer. Il y a quelques jours, j’achevais la première partie de cet article en mentionnant les compliments parmi les sources de motivation poussant chaque jour un auteur à se colleter avec l’histoire qu’il veut raconter. Si leur impact n’est pas à minorer, leur effet est toutefois aussi limité qu’un plein d’essence sur le fonctionnement correct d’une voiture. À la différence notable qu’on ne se rend pas dans une station-service parce que notre véhicule le mérite, mais parce qu’on n’a pas le choix.
…à la panne d’écriture
Sauf, bien sûr, si l’on adore se promener le long d’une bande d’arrêt d’urgence un jerrycan à la main, ce qui, me semble-t-il, ne figure pas en tête des activités favorites d’un automobiliste. Comme la panne d’écriture n’est pas ce que préfère un écrivain. Pour éviter cette dernière, avoir le réservoir à compliments rempli à ras bord ne suffit pas toujours. Il est d’ailleurs heureux qu’il ne le soit pas en permanence, l’envie d’être félicité ne devant pas prendre le pas sur le devoir de se remettre continuellement en cause dans cet art dont on commence chaque jour l’apprentissage.
Du colza dans le moteur
Car la saveur si appréciable d’efforts salués pour nos réussites littéraires risque d’être gâchée par l’arrière-goût de lauriers jaunis sur lesquels on s’est trop longtemps reposé. Aussi, une fois engrangée auprès de nos premiers lecteurs une moisson même modeste de retours positifs, on fera tout pour que la récolte suivante soit plus abondante. Les compliments, c’est le petit pourcentage de colza qui en complément d’autres stimuli peut contribuer à emballer le moteur d’un écrivain. Mais pour en faire provision, il ne faut pas compter capitaliser sur un engouement perpétuel suscité par nos textes. Et ne surtout pas miser sur ce seul aditif d’autant qu’on en connaît la volatilité.
Quand l’émerveillement est à sec
L’émerveillement éternel d’un lecteur pour un auteur, sans un renouvellement continuel des prouesses littéraires de ce dernier, est un phénomène à peu près aussi fréquent que celui permettant d’obtenir comme résultat, lorsqu’on additionne son âge et sa date de naissance, le numéro de l’année en cours pour chaque habitant de la planète (1). Ça se produit tous les mille ans. Bref, rien ne pousse quand on s’tourne les pouces, rien n’est planté droit quand on s’croise les bras. Bon, si je parviens à vendre à son juste prix ce dicton à l’hebdomadaire La France agricole, ma fortune est assurée.
Les lignes
Ligne de départ vers Terres-histoires inconnues
Pour examiner son propre désir d’écrire en tant que facteur de progression, il me semble utile de le lier à la perception qu’on a eue de ce métier avant de vouloir l’exercer. Se souvenir pourquoi on s’est présenté au départ d’un marathon de lignes, quels contours d’horizons flous on a réussi à préciser en les écrivant, et si l’on est parvenu à ces terres-histoires inconnues en même temps qu’on les façonnait. L’élan primaire vers l’écriture, comme évoqué la semaine dernière (2), plonge souvent ses racines dans la lecture. Rares sont les enthousiasmes capables de nous arracher à un socle d’une telle densité. Mais aussi riche soit le sol nourri de l’humus cérébral des autres, c’est bien notre propre pensée qui doit s’en élever et gagner en force année après année. S’interroger ponctuellement sur ce qui nous a mené à l’écriture en garantit sa vitalité.
Suivre la ligne de conduite des maîtres
Vous souvenez-vous quel niveau d’écriture vous espériez atteindre au début et celui auquel vous avez accédé, quel que soit le stade où vous en êtes aujourd’hui ou le temps qui s’est écoulé depuis vos écrits initiaux ? Ambitionniez-vous, passé le simple plaisir de découvrir votre âme faire corps avec le papier, de rivaliser en talent et en ingéniosité avec ces écrivains ayant fait votre admiration ? Il n’est pas aisé de mesurer rapidement leur contribution sur l’auteur que l’on devient à son tour, car ce n’est qu’en sortant de l’ombre de ses maîtres que l’élève se rend compte à quel point ils ont illuminé son parcours. Et ce n’est pas non plus chose facile de s’aventurer hors de cette protection intellectuelle à l’abri de laquelle on évoluait à la lisière de notre personnalité d’auteur. De notre affirmation en tant que tel. S’affranchir de ses modèles les questionne eux aussi quand on veut saisir l’essence du Pourquoi écrire.
Les lignes directrices
Se souvenir de ce qu’on visait aide aussi à se recentrer sur quoi faire quand on se met à ne plus écrire pour les bonnes raisons. Par ces dernières, j’entends celles qui nous ont incité à prendre un jour la plume. Les avoir toujours en tête ou se les rappeler permet de ne pas se tromper d’encrier à un moment donné de notre trajectoire, ou du moins de s’en apercevoir à temps afin de tout de suite rectifier le tir. Je ne dis pas qu’il existe des motifs plus pertinents ou légitimes que d’autres, je parle bien des stimuli ayant déclenché chez nous l’envie d’écrire. Ces lignes directrices qu’on a lues ou écrites, qu’on a souvent suivies et parfois délaissées, et qui nous ont construit au-delà des chapitres.
Si le questionnement qui nous occupe aujourd’hui nous évite d’écrire des choses ne correspondant pas à qui nous sommes, à nos valeurs, à notre style, à nos goûts, alors il constitue un sérieux atout dans notre démarche littéraire. Dans la partie qui clôturera cet article, nous verrons à travers de nombreux témoignages d’écrivains quelle perception ils ont de l’acte d’écrire, de la part de vie qu’il dessine et de l’engagement qu’il fait naître, envers soi comme envers les autres… tout un programme, non ?
- Cela s’est produit la dernière fois en 2018. Pour ne prendre que cinq exemples : Stephen King, qui est né en 1947 et avait donc 71 cette année-là, ou Philippe Claudel (1962–38 ans), J.K. Rowling (1965-53 ans), Fred Vargas (1957-61 ans) et Reif Larsen (1980 – 38 ans) ; chaque résultat une fois ces deux données additionnées est 2018. Peut-être n’est-ce pas systématique au jour près pour l’ensemble de la population mondiale, mais ça reste bluffant si je m’en tiens à la vingtaine d’auteurs sélectionnés au hasard ou presque lors de ma petite recherche. Rendez-vous en 3018 pour vérifier tout ça !
- « La réponse au Pourquoi lire ? semblant désormais ne plus se poser, ou si peu, comment se fait-il que ce qui en découle somme toute naturellement, l’envie d’écrire, ne soit pas perçue comme allant de soi ? » (extrait de l’article du 03/10/2020).
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