Apprendre & Pratiquer le métier d'écrivain

L’évaluation de votre écriture

Si l’évaluation de vos textes fait partie de vos préoccupations, cet article vous présente de manière drolatique les enjeux et les embûches de faire lire vos textes. Il vous recommande aussi de faire le bilan de votre écriture en vous adressant à des professionnels.

 

Dans la majorité des métiers, on se livre à un bilan des compétences ou toute autre expression signifiant qu’on va se pencher sur votre boulot pour savoir où vous en êtes. Si vous stagnez, voire régressez, ou au contraire si vous vous êtes doté au fil des mois, des années, de nouveaux acquis, de savoir-faire ayant bonifié votre écriture. Mais qui juge de ça, chez un écrivain ? De l’évolution et de l’exploitation de son talent ? De sa maîtrise des techniques littéraires ? Et à plus forte raison, chez un auteur débutant ? Des questions nécessitant qu’on y réponde avec un minimum de correction(s)…

« Il avait d’abord tâté de la nouvelle, mais personne ne voulait les lui acheter ni même les commenter sauf pour lui envoyer des lettres de refus. Il ne savait pas où il s’y prenait mal ni s’il s’y prenait mal. Peut-être que ses textes étaient bons et que c’était les autres qui avaient tort. Impossible de le savoir. » Un dernier verre au bar sans nom. Don Carpenter, Ed. 1018

L’atelier d’écriture professionnel – La formation d’écrivain professionnelle

La paroisse sans cosmonaute

Vous allez dire que je prêche pour ma paroisse, mais le fait est qu’un organisme tel que L’esprit livre me paraît des plus recommandables pour s’évaluer. Étant confronté à des intervenants qui, tout en se montrant bienveillants, ne vous attendront pas avec une boîte à cirage dans une main et une brosse à reluire dans l’autre, vous serez vite fixé quant à votre niveau réel. Pas celui sur lequel un individu peu scrupuleux, conseiller littéraire comme je suis cosmonaute, vous encouragerait à fantasmer tout en ne vous apprenant rien de plus que ce qu’on peut trouver dans un de ces manuels d’écriture farci de généralités. Ou qu’on déniche sur des blogs se contentant de recycler les mêmes banalités. Ces sources diverses fournissent hélas peu de clefs au regard de la multitude de portes qu’il faut ouvrir pour aborder l’écriture de manière professionnelle. C’est pourtant bien souvent celles auxquelles se réfèrent ces « formateurs » autoproclamés, si jamais ils se sont donné la peine de lire quelque chose sur le sujet.

Le non-dit dans le toboggan

Il faut entendre une vérité avant d’aller plus loin : si de tels gens prospèrent, c’est en partie la responsabilité d’auteurs en herbe dont la soif précoce de reconnaissance les fait se tourner vers des personnes disposées à l’étancher. Croyez-moi, un discours habile et bien rôdé glissera sans peine dans ce toboggan à compliments qu’est le conduit auditif de quelqu’un n’en ayant pas reçu autant qu’il estime en mériter. Qu’importe le parcours de celui qui se dit prêt à vous dispenser son « savoir », les compétences deviennent secondaires quand la flatterie vaut diplôme. Aussi la cause sera-t-elle entendue dès les premières paroles échangées, traduisant en substance le non-dit de l’apprenti-écrivain : « J’accepte de vous payer si vous me confirmer la haute opinion que j’ai de moi-même. »

Des devises dans le miroir-caisse

Vous pensez que je reflète la pensée d’un jeune auteur de façon caricaturale en lui tendant un miroir déformant ? Eh bien, si vous préférez, passons de l’autre côté de ce miroir-caisse pour inverser le discours : « Dites-moi ce que vous voulez entendre, je me ferai un plaisir de vous le répéter. À bon prix ». Ce pourrait être la devise, et si j’osais un néologisme, la roublardevise, de ces manieurs d’encensoir.  La plupart du temps, comme les ampoules, seul leur culot leur permet de briller… sans vous apporter le moindre éclairage ! Vous l’aurez compris, il ne me viendrait pas à l’idée de conseiller à quiconque de mettre entre les mains de tels individus les rênes de sa destinée littéraire. Votre démarche doit être guidée par la volonté d’apprendre, pas par le désir de savourer d’agréables mensonges n’ayant rien à voir avec la nourriture spirituelle.

Les conseils de l’éditeur

Un refus ne comble jamais

Peut-être cela vous étonne-t-il de ne pas voir l’éditeur figurer en premier dans l’ordre de cet article, s’agissant de jauger le travail d’un écrivain. En toute logique, il est d’autant mieux placé pour en parler qu’il en vit, ce qui doit sacrément le motiver pour prêter main forte aux gens dans lesquels il a placé sa confiance. Et sûrement pas en les abreuvant de balivernes. Aussi ne manquera-t-il pas de prodiguer d’excellents conseils à celui en qui il voit un solide potentiel. Mais la contribution d’un éditeur, dans le cadre d’un refus, ne va quasiment jamais – et dans le meilleur des cas – au-delà d’un petit mot d’encouragement, ce qui s’explique par une évidence : ce n’est pas à lui de combler les lacunes d’un auteur venant le solliciter.

Les crapauds à facettes n’existent pas

Ça ne le concerne que s’il estime vos qualités correspondre à ses attentes. Je ne nie pas qu’un manuscrit puisse retenir son attention en dépit de quelques défauts de jeunesse ou de travers plus anciens jamais corrigés. C’est une partie de son job – et celui de ses collaborateurs – de déterminer si ça vaut le coup de consacrer du temps à quelqu’un n’ayant pas encore fait ses preuves. Ou dont la carrière ne décolle pas car il pense avoir atteint son plafond de verre quand l’éditeur, lui, devine qu’il possède une marge de progression. Il ne faut cependant pas se leurrer : jamais un éditeur n’a transformé un crapaud en prince charmant. C’est sûrement pourquoi on évoque plus souvent un diamant à tailler pour en révéler les facettes qu’un batracien à écorcher pour le débarrasser de ses pustules.

Gagnant-gagnant

Si un éditeur n’a pas vocation à former un auteur, il est cependant en mesure  – lui ou un de ses lecteurs, selon la taille de la maison d’édition – de le guider dans certains de ses choix quand le manuscrit est accepté. Si besoin est, le peaufinage de l’œuvre qu’on lui soumet quand il la juge publiable est une étape profitable à chacun : l’auteur parce qu’il y gagne en expérience et en méthodologie, l’éditeur en augmentant la qualité du produit qu’il doit vendre – le livre en étant un en dehors de tout aspect « romantique ».

La ligne d’éconduit

Pour aborder brièvement la fameuse ligne éditoriale derrière laquelle il arrive qu’un éditeur s’abrite afin de justifier le rejet d’un texte, il ne faut pas toujours y voir un moyen poli de signifier à l’auteur son manque de talent, de maturité, de ficelles, d’originalité, de vocabulaire, etc. ; merci de ne rien rayer dans cette liste, il n’y figure aucune mention inutile aux yeux d’un éditeur. Cette ligne éditoriale constitue une partie de l’identité d’une maison d’édition. De la même façon que vous ne vous rendez pas chez votre boucher pour acheter du poisson, en tant que lecteur, vous n’irez pas chercher des récits de genre horrifique chez un éditeur ne publiant que des histoires d’amour (quoique, parfois…).  

Le conseil de famille

Le cercle des poètes disparates

Soumettre ses textes au cercle familial dans l’espoir d’obtenir un avis relève de l’aléatoire quant à la pertinence de ce dernier. Il est rare qu’une sœur, un père, un cousin  une belle-sœur et un grand-père se réunissent avec harmonie pour former un groupe susceptible de porter un jugement plus avisé que celui d’un comité de lecture. Trois raisons à ça :

ce n’est pas leur métier : quel que soit leur degré d’investissement dans leur relecture et le sérieux qu’ils accorderont à cet exercice très particulier, ils ne disposeront ni de l’expertise ni des outils permettant de livrer une analyse en profondeur de votre travail. Même ceux estimant être de la partie en raison de leur profession ou de la nature de leurs loisirs (bouquiniste, prof de français, journaliste, poète occasionnel, lecteur boulimique,  bibliothécaire, libraire, etc.) n’auront pas la même légitimité que quelqu’un dont c’est la spécialité. La présélection des manuscrits chez un éditeur est souvent confiée à des stagiaires ayant en poche un master d’édition. On imagine le fossé existant entre leur vision d’un texte et l’avis de quelqu’un peu au fait des critères d’exigence auxquels un roman est soumis dans l’optique d’une publication…

une mansuétude aussi  coupable que compréhensible : sauf si tous les membres de votre famille vous détestent, une éventualité fortement regrettable, il serait étonnant qu’ils ne vous arrondissent pas considérablement les angles au moment de formuler une critique. Voire qu’ils passent sous silence – ou le minimise à l’excès  – un défaut qui chez un éditeur condamnerait d’office votre texte à la corbeille. Même ceux affirmant qu’ils ne vous feront pas de cadeau enrubanneront leurs remarques d’un bolduc affectif. Il pourra bien sûr y avoir un tonton dont la voix de stentor s’élèvera au-dessus du chœur des louanges pour expliquer qu’il vaudrait mieux réécrire tel passage comme ceci ou agencer l’intrigue comme cela, car il aura lu quelque part qu’un auteur à la mode procédait ainsi. Bien sûr, ne l’écoutez surtout pas.

 – Les conseilleurs ne sont pas les payeurs : votre famille ne perdra pas d’argent si vous ne percez pas. Peut-être les membres de votre famille penseront-ils en leur for intérieur que vous n’arriverez à rien dans la littérature, mais pour ne pas vous froisser ils vous trouveront quelque chose et vous inciteront à persévérer, car on ne sait jamais. Après tout, rêvez, ça ne coûte rien. Sauf que les éditeurs ne rêvent pas, eux. Un choix de leur part entraîne des conséquences financières. Une succession de mauvaises décisions peut mettre en péril leur entreprise. Dans ce domaine, seuls les marchands d’illusions évoqués dans la première partie de cet article s’y retrouvent, qui vous vendront des rêves au prix fort, quand les éditeurs et les professionnels de l’écriture vous feront gagner de l’argent en vous confrontant à la réalité.

L’avis des amis

Olé !

Ah, vous n’imaginez pas quel pouvoir vous allez donner à vos potes ! Parmi eux, certains trouveront là l’occasion d’égratigner une part de vous qu’ils admiraient jusqu’alors sans vraiment savoir à quoi s’en tenir. Confier l’usage d’un stylo rouge à quelqu’un, c’est comme agiter une muleta sous les naseaux d’un taureau : il n’hésitera pas longtemps avant de vous foncer dessus à travers vos écrits. Oh, gentiment, mais s’il peut vous encorner, il ne s’en privera pas ! Pour votre bien, évidemment. Après tout, vous lui avez demandé son opinion pour qu’il la donne, non ? Si.

Le chirurgien-bricoleur

Alors une fois lancé, ne comptez pas trop sur lui pour opérer dans la demi-mesure. Bien sûr, il parcourra les premières pages que vous lui donnerez à lire le scalpel à la main, pratiquant d’infimes incisions tout à fait inoffensives. Quand il sera parvenu à la moitié de votre roman, vous pourrez voir les étincelles d’une disqueuse briller dans son regard. En attaquant la dernière partie du livre, vous entendrez une tronçonneuse rugir dans son esprit chaque fois qu’il se penchera sur l’une de vos pages. Vous vous en doutez, j’exagère : ses incisions ne seront jamais tout à fait inoffensives.

Pas si facile d’être calife

Bon, je force certes le trait tout en ne plaisantant qu’à moitié : dans le cas de retours de la part de la famille et des amis, un double risque se remarque fréquemment : qu’ils pensent l’espace de la relecture devoir devenir écrivain à la place de l’écrivain – et le temps d’une parenthèse enchantée, s’imaginer à tort en avoir la stature. Et à l’inverse, qu’ils vous idéalisent ou vous protègent, souhaitant avant tout vous épargner en mettant vos points forts en exergue quitte à fermer les yeux jusqu’à la cécité sur ce qui fait écarquiller d’effroi ceux des éditeurs.

Quand vous confiez votre texte à des professionnels formés à l’écriture d’un roman de A à Z, leur accompagnement porte tout autant sur l’enseignement de techniques littéraires que sur la résolution de problèmes plus complexes n’étant jamais évoqués dans des guides pratiques.

Ces gens, amoureux comme vous de la littérature, savent qu’on ne peut pas extirper le meilleur d’un auteur si l’on n’est pas capable de comprendre qui il est…

 

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