Apprendre & Pratiquer le métier d'écrivain

Les mots et le contexte

Les mots portent nos pensées, plus ou moins bien selon notre habileté à les choisir et à les employer à bon escient. Leur aptitude à délivrer leur message et à produire leurs effets dépends de bien des paramètres, dont le contexte dans lequel l’auteur les lâche…

Lorsque je commence à rédiger un article, j’essaie d’avoir un titre en tête, provisoire ou pas. Le plus tôt est le mieux : ça éclaire mon chemin. Lundi dernier, après avoir simplement écrit « Les mots » en haut de la page, je me suis rendu compte du risque d’être épuisé avant que mon sujet ne le soit. Quant à en mettre toutes les facettes en lumière, je n’avais pas l’ombre d’une chance. Trop tard, mon choix était fait. L’importance des mots, au-delà même de la littérature, se vérifie chaque jour. Qu’ils viennent à nous manquer ou que l’on trouve les bons – créant des béances ou comblant une attente –, ils pèsent sur nos vies jusqu’à influer sur notre destin. Bref, voilà un thème qui nécessitera bien trois parties pour ne serait-ce que l’effleurer. Au bas mot.

Les mots comme des globules

Les globules de l’écrivain

« Les globules rouges assurent le transport de l’oxygène vers les différents organes : cœur, poumons, muscles. Les globules blancs ont pour rôle de défendre l’organisme contre les agressions extérieures. »

D’une certaine manière, les mots sont les globules de l’écrivain. Ils l’oxygènent et constituent son système de défense lorsque des idées assiègent sa façon de penser au point de la mettre sens dessus dessous. Il respire mots, réagit mots. On pourrait donc estimer qu’il maîtrise ces respirations lexicales et  ces réactions sémantiques au point de ne les employer qu’avec mesure et discernement. Mais la pratique assidue du vocabulaire sous toutes ses formes n’épargne à personne d’être sous l’empire d’émotions altérant la justesse de son propos. En clair, l’écrivain sensible ne mettra pas dans le mille, surtout s’il considère être du genre mâle avisé.

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Quand le sang ne fait qu’un tour

Le choix d’un mot plutôt qu’un autre dépend souvent de ce qui le met en mouvement dans notre esprit, sans compter la valeur affective dont notre vécu l’a chargé. Nos écrits ont l’hésitation de nos sentiments. De là à dire que lorsque le sang d’un auteur ne fait qu’un tour, ses globules bafouillent, il n’y a qu’un pas que la haute tenue scientifique de cet article m’empêche de franchir. À l’oral, si l’on est triste au point d’avoir un mot malheureux, il n’est que de s’en excuser en y mettant les formes afin d’effacer sa bourde. Mais à l’écrit ? Quand l’encre est plus sèche encore que le cœur de celui qui vous lit ? Ah çà ! il serait étonnant que vous fussiez pardonné de si tôt ! Alors, comment éviter la discorde pour se pendre ? C’est tout le nœud du problème.

Plaie à vif et coup de sang

J’évoquais déjà dans un précédent article l’incertitude d’être bien compris par son lecteur (1). S’y greffe l’impossibilité de dissiper dans l’instant un malentendu quelquefois né de l’emploi d’un mot inadéquat dont on ne soupçonnait pas qu’il écorcherait notre pensée. Pour ne pas que cette dernière soit accueillie avec l’enthousiasme qu’on réserve d’ordinaire à une plaie à vif, il convient qu’un soin particulier préside au choix du moindre vocable. Si ambiguïté dans le discours il y a, ce doit être voulu de la part de l’auteur de façon qu’il puisse fournir les clefs permettant que cette équivoque ne trahisse pas son propos. Écrire pour provoquer sciemment un coup de sang réclame à la fois nuance et précision. Entretenir le flou est tout sauf artistique, car n’est pas bon auteur celui qui tout complique ! 

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Les mots comme des grenades

L’âge de plastique

La puissance d’un mot n’est pas toute contenue dans ce qu’il signifie. Le contexte dans lequel il apparaît, le propos qu’il illustre ou commente, la différence existant entre l’intention de son auteur et la perception qu’en a le lecteur, modulent son impact. L’âge auquel on s’en sert peut aussi modifier radicalement son effet. Prenons deux mots parmi ceux que l’on porte en premier à notre connaissance : oui et non. Ils sont  d’usage facile, maniables, pourrait-on dire. Comme des grenades. Enfants, on joue à la guerre avec des imitations en plastique de ces engins. Mais plus tard ?

Les mots dégoupillés

À leur façon, les oui et non enfantins sont aussi en plastique, inoffensifs ou presque. Une fois le pouvoir de l’approbation et du refus conscientisés, survient le risque de plus cruels éclats. Adultes, ces imitations devenues des répliques, blessent jusqu’à la mort si l’on y va trop fort. Que dit-on d’une personne dont les mots ont dépassé sa pensée en lisant le oui écrit – offert – à une autre qu’elle ? Le non qu’elle ne méritait pas ? Qu’elle a dégoupillé. Vraie grenade ou simple papier, d’un support quadrillé peuvent venir les balafres, et les mots exploser…

Référence
Article « Ecrire, mais pourquoi ? » du 2 octobre 2020) : « Quelle part de nous s’impose au lecteur ? Et dans quelle mesure notre message est-il altéré par la personnalité de celui qui le lit ? »

Article à suivre…

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