Apprendre & Pratiquer le métier d'écrivain

Comment améliorer son écriture

Comment améliorer son écriture ? Simplement, comme toute discipline le prescrit, par l’usage sérieux d’exercices qui créent un assouplissement des résistances, un aplanissement des mauvais plis.

Deux articles consacrés à l’enrichissement de votre écriture par la pratique d’exercices dédiés à l’épanouissement de vos talents naturels ainsi qu’aux domaines dans lesquels il vous est indispensable de progresser, est-ce suffisant ? Après la tenue d’un symposium en tête-à-tête avec moi-même, je suis tombé d’accord sur le fait qu’il était utile de persévérer dans cette voie. L’avantage d’être en phase avec son propre avis est de ne pas donner l’impression d’avoir un tempérament dirigiste…

Le double maléfique littéraire

Le seuil de notre conscience n’attend que la flatterie veuille bien le franchir

Partons de l’hypothèse tout à fait plausible selon laquelle vous possédez chacune et chacun un double maléfique littéraire. Arrêtez de tous faire non-non de la tête, on dirait que vous suivez un match de tennis. Ce double maléfique (puisque la cause est entendue) est celui qui, lorsque vous vous demanderez si la phrase que vous venez d’écrire est bonne, vous assurera énergiquement qu’elle est excellente. Mieux : il vous susurrera que le triptyque sujet-verbe-complément dont vous faites systématiquement usage depuis vos débuts, respectueux de l’usage qu’on en fait d’ordinaire, vous catégorise d’emblée parmi les écrivains reconnus pour leur rigueur grammaticale. Eh oui, comme l’a écrit cette personne hélas demeurée anonyme : « La nouvelle critique : un sujet, un verbe, un compliment. » Notre double maléfique aurait pu en être l’auteur.

De la rature au ratage

Pour appuyer le bien-fondé de son discours, il vous dira que seul est un bon auteur celui qui, comme vous, appliquera les structures de la grammaire à la règle près. Il omettra en revanche de préciser qu’en son temps, on avait reproché à Flaubert – oui, le Grand Gustave, Gégé pour les intimes – de commettre des fautes qui auraient fait passer de vie à trépas le plus impavide des grammairiens. Cela devint une querelle restée célèbre parce que Flaubert, dans son rôle de littérateur, n’était plus considéré comme la perfection incarnée par toutes les ratures écorchant ses textes avant qu’enfin la succession laborieuse de ses mots trouve grâce à ses yeux.

La grammaire malmenée

Non, il n’était plus exemplaire dans un domaine où il avait tacitement la charge de fournir au commun des lecteurs des romans où rien ne devait malmener la grammaire. N’avait-il pas pour lourde croix d’avoir commis des tournures où, succédant à l’emploi du passé simple, un verbe à l’imparfait de l’indicatif déboulait tout-à-trac en fin de phrase comme un chien dans un jeu de quilles ? Quelle hérésie ! Ça n’avait pas de sens ! Pourtant, cette confrontation voulue de ces deux temps tenait à la recherche de l’obtention d’un effet. Un procédé technique jugé comme un écart à la littérature comme on devrait l’honorer si l’on était sain d’esprit. Ne la ramenez pas, je vous rappelle que vous possédez un double maléfique littéraire, vous aussi. Non mais.

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La syntaxe de la moustache

Faille temporelle

La phrase incriminée, parmi tant d’autres car elle était une des constituantes du style de Flaubert, la voici. Je l’ai lue sur le Net, ainsi que l’explication de cet emploi chaotique pour l’époque, sous la plume savante de Jean-François Foulon dans son passionnant article intitulé « Polémique : Flaubert savait-il écrire ? » Je vous le conseille vivement. « Mlle Marthe courut vers lui et, cramponnée à son cou, tirait ses moustaches. » (L’Éducation sentimentale). Pour faire court : le recours à l’imparfait de « tirait » au lieu du « tira » attendu prolonge la durée du tirage de moustaches. En substituant au passé simple son côté accompli, Flaubert souligne en employant l’imparfait le fait que l’assaut pileux ne s’interrompt pas dans l’instant. En quelque sorte, Flaubert portait en lui le germe oulipien, foulant au pied le Bon usage de Grevisse et sa grammaire millimétrée, quadrillée, et pour tout dire, corsetée. Pas tant dans sa nécessaire rectitude que dans son hébétude de voir le style prendre le pas sur la règle.

La mutation de la faute

Grevisse s’en accommoda néanmoins intelligemment en citant des auteurs qui, estimés responsables d’une écriture fautive, rendraient toutefois acceptable auprès du lectorat de l’époque l’utilisation de « tournures erronées » si ces écrivains considérés comme doués les adoptaient. Comme si la prestance de ces auteurs au sein du milieu littéraire autorisait le coulissement d’une erreur du statut de bourde à celui plus admissible d’une syntaxe en cours de mutation. Ce qu’on appelle un bon compromis.

Mieux vaut en rire

D’ailleurs, il est désormais de coutume de procéder de même par exemple dans le Dictionnaire des difficultés de la langue française (l’un de mes fidèles compagnons de route s’il en est) en signalant, au hasard, que « hyène se prononce sans h aspiré : « […] Pierre Loti a néanmoins intitulé un de ses livres La hyène enragée. » Au lieu de « l’hyène », donc, mais quoi qu’il en soit, cet animal ricanant à l’air sournois doit dans un cas comme dans l’autre aspirer du hash, c’est pas possible autrement. Euh, cette phrase ne figure pas dans le dico, hein !

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S’exercer à trouver son style

La nécessité de se touiller la cervelle

Voilà, j’avoue ne pas être mécontent de ma démonstration, bien qu’en devinant l’air dubitatif affiché par certains et le regard suspicieux porté sur ces lignes par d’autres, je me doute de la question atterrissant dans leur esprit comme une enclume sur un pudding : quel rapport avec le sujet de l’article ? Flaubert a touillé la grammaire à sa sauce, tout simplement, non pas en guise de défi aux règles littéraires existantes, mais parce que cette façon d’exprimer sa pensée lui convenait. J’ignore s’il faut y voir un jus d’originalité s’écoulant de ses pages écorchées par les ratures, mais j’ai ma petite idée là-dessus…

Être à l’aise dans son écriture

Flaubert était-il conscient qu’un adverbe n’était pas indéracinable ? Qu’on pouvait le déloger de sa place jusqu’alors assignée pour l’éternité dans une phrase sans le moindre désir de porter atteinte à un immobilisme ne lui correspondant pas ? Bref, savait-il que pour se sentir à l’aise dans son écriture, lui permettre de se déployer en respirant au rythme de son esprit, il était en train de créer son propre style ? Je suis franchement désolé de ne pas être en mesure de répondre à toutes ces questions, car cela doit bien faire une semaine que je l’appelle, et il n’a toujours pas décroché. Il doit avoir mis son smartphone en mode avion.

La nouveauté greffée aux siècles

S’affranchir de la façon dont l’écriture peut être codifiée à un moment donné ne signifie en rien qu’on ne respecte pas celles et ceux y trouvant leur compte. Pas plus que ladite écriture soit figée. Flaubert a en son temps expérimenté des structures de phrases allant à l’encontre de modèles précis ayant fait leurs preuves. La finalité de s’essayer à la pratique d’exercices se différenciant de ces formes reconnaissables et acceptées, tout en mesurant la richesse de ce qu’elles nous ont apporté au fil des siècles, est d’utiliser des méthodes novatrices ou peu employées tout en s’appuyant à ce socle séculaire.

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La disparation du cheval au carrefour

Tout doit disparaître

J’ai cité l’Oulipo fréquemment pour débuter mon sujet car il a été à la base d’ouvrages dont certains ont valu une renommée à la portée encore intacte aujourd’hui, et le nom de leurs auteurs est généralement familier hors de la sphère littéraire. Quand on parle de Raymond Queneau, on peut dire que ses Exercices de style ou Zazie dans le métro ont fait date. Idem pour La disparition de Georges Pérec avec le tour de force que représente d’écrire un ouvrage lipogrammatique, et donc fondé sur l’absence d’une lettre. Pas n’importe laquelle tant qu’à faire, le « e » en l’occurrence. Le tout évidemment en racontant une histoire cohérente. On lui doit également La Vie mode d’emploi, qui finit d’asseoir sa notoriété.

Les griefs chevalins

Ce dont certains firent grief à Flaubert paraît de nos jours d’une futilité qui ne vaudrait quasiment pas un article, voire une ligne dans un magazine spécialisé, encore moins dans la presse généraliste. C’est que lors de ces temps pas si anciens, on était très à cheval sur la qualité de l’écriture, alors qu’à présent certains best-sellers semblent naître de la réflexion d’un auteur après avoir été à la selle. Mais foin de considérations équestres, repartons au trot vers les subtilités du langage dans les paragraphes suivants certifiés par l’AEF (Association des Encriers en Folie), ce qui n’est pas rien !

Au rond-point, tenez vos promesses en laisse

Il faut éviter de faire à votre lecteur des promesses que vous ne sauriez tenir. D’ailleurs, ne dit-on pas : les promesses sont interdites, même tenues en laisse ? Ah non, crotte, je confonds avec les chiens sur les pelouses. En vertu de ça, on s’entraîne donc du mieux possible afin de lui soumettre des textes un peu plus distrayants que le planning des travaux du réseau routier français de l’an prochain. C’est à ce moment qu’un choix important s’opère : dois-je me contenter d’ignorer plus de choses que je n’en connais ou m’ouvrir à ce qui fait le succès des autres ? Nous voici donc parvenus au rond-point de l’écriture ou au carrefour de la littérature, cochez l’expression donnant selon vous le plus de sens à cette phrase.

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Le changement, c’est maintenu !

Prêtez l’oreille au changement

Si je vous dis : changement de ton ou de registre, s’agit-il de quelque chose d’audible pour vous ? Le monsieur penché au balcon avec un sonotone vissé à l’oreille approuve, j’en déduis donc que ça parle à quasiment tout le monde. Cet exercice permet de modifier votre propos en fonction des situations, de moduler l’intonation souhaitée pour donner une coloration verbale précise à une scène, de caractériser le discours d’un personnage afin de le rendre immédiatement reconnaissable etc. Je ne dresse pas une liste complète des applications d’un tel procédé, sans quoi l’assoupissement guetterait certain(e)s d’entre vous. C’est pourquoi j’en passe et des veilleurs.

C’est la même chose, mais c’est pas pareil

Néanmoins, histoire d’étayer mon propos, je vais piquer sans vergogne aucune quelques indices parmi les 99 façons mitonnées par Queneau dans ses Exercices de style. Pour mes lecteurs ignorant tout du bouquin en question, il s’agit de décliner une situation identique selon des versions soumises à une contrainte ludique. Qu’elle soit écrite en alexandrins, sous la forme d’une lettre officielle ou dans un style télégraphique, cette scène requiert chaque fois un effort d’imagination pour en éviter l’aspect répétitif supposé, le recours à une technique différente éloignant avec bonheur l’ennui d’un rabâchage littéraire au profit d’une ingéniosité dont le renouvellement fait merveille.

Ne défigurez pas l’original

Les possibilités de s’en inspirer pour varier sa prose, son point de vue, son approche d’une action selon l’angle sous lequel on veut la présenter, son style évidemment, font de ce livre un vivier où l’on pêchera avec enthousiasme des idées pour diversifier son écriture. Par ailleurs, l’ouvrage n’étant pas exhaustif dans les nuances qu’il propose, on peut soi-même inventer des altérations du texte original en le traitant toutefois avec la déférence qui s’impose ; c’est-à-dire que sous quelle que forme que ce soit, le respect d’en reconnaître les aspects principaux guidera les choix des auteurs en herbe désirant s’y frotter avec une trouvaille de leur cru.

Rebroussez la limite, c’est sauter pour mieux reculer.

Autre exercice à même d’élargir le cadre dans lequel nous avons pris l’habitude de délimiter notre écriture au risque de l’y enfermer : emprunter aux écrivains reconnus les manières d’organiser leurs romans, d’en percevoir la texture littéraire, celle dont on sent l’aspérité des mots ou l’étoffe soyeuse des phrases lorsqu’on en tourne les pages. Oui, je vous encourage au plagiat débarrassé de sa dimension juridique, soit l’imitation de ce qui fait l’excellence d’un auteur sans la volonté de s’approprier son travail. Ça équivaut à franchir une limite pour ensuite rebrousser chemin. C’est l’inverse de reculer pour mieux sauter afin d’atteindre le même objectif. Trop fort.

L’étude de l’autre pour l’exercice de soi

Pour cela, vous devrez reproduire ses « tics langagiers » – nous en avons tous – ou tenter de reproduire l’articulation de sa pensée. Cet exercice suppose non seulement l’étude d’un vocabulaire plus ou moins éloigné du vôtre, mais aussi de repérer la structure permettant à l’auteur copié de parvenir à un résultat séduisant. Votre écriture en bénéficiera à partir du moment où vous aurez intégré avec le plus d’assiduité sa façon de procéder dans le moindre détail. Pour mieux vous en détacher ensuite afin d’affirmer votre indépendance intellectuelle par rapport à votre modèle et faire crépiter vos propres textes d’étincelles aux lueurs nouvelles.

Faire le tour sans tourner en rond

Tous ces exercices – en trois articles, je suis très loin d’en avoir fait le tour – pourraient donner le sentiment de se ressembler quand en fait ils ne font que servir la même chose : l’amélioration de l’écriture par tous les moyens dont l’inventivité n’est pas le moindre. Dans le même temps, comme je l’ai déjà dit, ils reposent sur des siècles de littérature ayant connu des transformations plus ou moins lentes, acceptées avec réticence ou accueillies à bras ouverts. Quand le flot impétueux des mots s’est heurté aux falaises hostiles du conservatisme, les traces de l’érosion s’y sont malgré tout inscrites durablement. Difficiles au gré des époques de dire si la littérature vacille sur ses bases ou si elle se lance dans une gigue stylistique revigorante, mais quoi qu’il en soit, l’essentiel est de ne jamais cesser de danser avec les mots, charleston ou rock, qu’importe le tempo…

Yeah.

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