Apprendre & Pratiquer le métier d'écrivain

Comment commencer à écrire un livre

Seconde partie

Quel auteur augmente ses chances de commencer à écrire un livre, mais surtout de le terminer? Celui qui est respectueux des techniques d’écriture ou celui qui écrit au fil de la plume ? Les dés sont pipés, ici, vous savez où on va, mais n’empêche qu’on continue de creuser la question.

Boire le perfectionnisme au goulot

Quand un écrivain a suffisamment de bouteille (n’entendez pas par-là qu’il se soûle du matin au soir), sa boîte à outils littéraires est fournie à un point tel qu’il ne rencontre que peu de difficultés dans son écriture. Il peut donc essentiellement se concentrer sur son histoire, les idées qu’il désire mettre en avant, la caractérisation de ses personnages jusqu’à l’anticipation de leurs actes et de leurs décisions, etc. Grosso modo, l’insatisfaction qu’il a d’une phrase ou d’une scène naît plus souvent de son perfectionnisme que de son ignorance dans un domaine particulier. S’il a en prime la chance de vivre de sa plume, ses journées lui appartiennent en grande partie avec le luxe qui va avec : écrire au rythme qui lui convient le mieux. Mais l’auteur débutant ? Voyons un peu comment il doit se débrouiller…

Bwooaaang ! (II)

Ah, quel son merveilleux, je ne m’en lasse pas ! Le second coup de gong retentit enfin. Bon. Il n’est pas évident de concilier sa vie de famille, son métier, les opportunités de détente  et les contraintes du quotidien avec la mise en route d’un livre. Le temps étant aussi élastique qu’une barre de fer, il faut y graver des repères, des moments privilégiés entièrement dédiés à l’écriture. Je ne dis pas que les activités de votre entourage doivent s’organiser autour de vous, mais que des arrangements vous permettent d’y intégrer des pauses ritualisées où écrire doit consister votre seule occupation. Le nombre de ces instants où vous vous perfectionnerez dans votre art ne doit être la source d’aucun conflit. Enfin, si vous tenez à votre cellule familiale et à conserver votre emploi dans l’heureuse hypothèse où vous en avez un.

L’exigence et la gratification

L’épanouissement du tyran

Il faut que cela soit entendu une fois pour toutes lorsque cette organisation est actée. Ainsi, sauf événement exceptionnel, vous saurez précisément qu’au cours de la journée un espace vous est réservé sans que ça se fasse au détriment de celles et ceux qui vous entourent. C’est le premier travail de l’auteur : savoir quand il lui sera possible d’écrire en toute sérénité et que ce soit accepté par tous, voire, si vous êtes chanceux, que cela soit salué par les vôtres comme la volonté de vous épanouir à travers un projet qui vous hante depuis vos premières lectures. Rassurez-vous, cela ne vous épargnera pas de saines engueulades de temps en temps, sinon ce ne serait pas drôle, n’est-ce pas ? Ou bien faites tyran comme métier, c’est bien aussi.

L’apprentissage sans exorcisme

À présent que vous voilà à peu près certain qu’on ne fera pas appel à un exorciste pour vous débarrasser de votre envie dévorante d’écrire, il faut que nous nous entendions sur ce que cela implique pour un auteur en herbe. Vous avez les trois notions en tête, désormais, il s’agit donc de les appliquer en prenant conscience d’une chose essentielle : l’écriture n’est pas qu’une partie de plaisir. Elle exigera de vous d’apprendre beaucoup de choses dont vous ne soupçonniez pas même l’existence. Pas de les survoler, hein ! De les acquérir au point qu’elles fassent partie intégrante de vous et que, mois après mois, vous y recouriez d’une manière naturelle, et pour tout dire, sans vous en rendre compte.

Quand les erreurs passées sont gratifiantes

Autant vous prévenir tout de suite, ça ne se fera pas en claquant des doigts : j’ai essayé, il y a bien longtemps, ça ne marche pas. Un conseil : à partir d’aujourd’hui, conservez tous vos textes au chaud ; ceux remontant à quelque temps déjà comme ceux marquant votre nouveau départ. Puis jetez-y un coup d’œil un an après pour les évaluer à la lumière de ceux réalisés en ayant acquis pas mal de métier au bout de ce temps-là. Je vous fiche mon billet – du moins si vous êtes sérieux, régulier, et que vous ne mégotez pas sur les efforts nécessaires à fournir – que la comparaison sera édifiante. En plus de mesurer les progrès accomplis, vous relèverez au premier regard la somme importante d’erreurs diverses qui émaillaient vos écrits de jadis. Et que vous ne ferez plus. Croyez-moi, c’est très encourageant. Gratifiant, même.

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Comment bien utiliser son temps d’écriture

En blocs, pas en miettes

Admettons que vous bénéficiez de deux heures journalières à consacrer au commencement de votre premier livre. Ce pourra être un peu ou beaucoup plus, ou un peu ou beaucoup moins, mais partons sur cette base de deux heures. Qu’en faire ? Ce temps donné est sous-entendu comme un bloc de deux heures consécutives ou séparées en deux séances d’une heure. L’ajout de quelques minutes par-ci « enrichies » de grappes de secondes par-là reviendrait à un picorement temporel si improductif qu’il mettrait votre patience à rude épreuve jusqu’à l’aboutissement, et c’est déplorable, d’un renoncement inévitable. Quand on prend de l’élan, ce n’est pas pour s’arrêter cinquante centimètres plus loin. Parole de caribou.

Sur la ligne de départ

Plusieurs solutions s’offrent à vous. Il vous appartient de choisir celles qui vous conviendront le mieux, bien sûr. Mais une priorité s’impose : n’entreprenez rien de longue durée si votre plan/séquencier n’est pas élaboré au moins dans les grandes lignes. Je ne parle pas de verrouiller chaque séquence au millimètre près dans un premier temps, mais de savoir où vous allez avant de partir : ça vous laissera ensuite le champ libre pour vous attaquer à l’écriture proprement dite sans vous disperser. Ni gaspiller une seule seconde de ce précieux temps, ou le moins possible. Alors surtout, ne faites pas de faux départ : en athlétisme comme en écriture, c’est disqualifiant. J’en profite pour vous dire que l’achat d’un pistolet de starter ou de starting-blocks est optionnel en littérature. À ma connaissance en tout cas, aucune preuve n’ayant été faite que vous puissiez allez plus vite et plus loin dans votre roman grâce à ces accessoires.

Tronc et branches

La maturation de ce plan dépendra de quels éléments constitutifs de votre histoire vous disposez dès à présent, et à quel point vous avez réfléchi à les incorporer à votre récit. Souvenez-vous que votre esprit n’est fiable que dans une certaine mesure lorsqu’il s’agit de bâtir une intrigue ou de faire évoluer votre propos tant que le chemin y menant n’est pas rigoureusement balisé. En revanche, si vous avez concrètement positionné des éléments incontournables à la réussite de votre entreprise, et si, comme on le dit dans le cinéma, les images/idées que vous avez projetées ne sont pas filmées avec les pieds, vous partez sur un support assez costaud pour que viennent s’y greffer d’autres réflexions. En résumé, le plan est votre tronc, ses branches, des ramifications. Comme Flaubert, je suis très proche de la rature. Hum ? De la nature, pardon.

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Écrire ou apprendre à écrire ?

Évitez au serpent de se mordre la queue

Avoir du temps pour s’attaquer à son premier roman, c’est bien, mais savoir comment le gérer, c’est mieux. À moins que vous n’ayez lu aucun des paragraphes précédents, ce qui serait ballot vu le mal que je me donne, vous avez compris que l’écriture ne se limite pas à s’installer devant le support de votre choix afin qu’il recueille le fruit de votre verve étourdissante. Il fallait bien lire verve. Non mais, en voilà des façons. Passons. L’aspect technique intervenant avec une réelle importance dans la partie littéraire, les rendant même indissociables, la question peut se poser de savoir comment ne pas privilégier l’un au détriment de l’autre…

L’apport de la technique

Ce qu’il faut trouver, c’est l’équilibre afin que cette indissociabilité ne prenne le pas sur la complémentarité de la théorie et la pratique, de l’exercice à sa réutilisation avec pertinence dans le texte. Cette intelligence de l’auteur doit s’exprimer non seulement en se servant à bon escient de ce qu’il a appris, mais sans que cela fasse entrer son style dans un moule dont les codes empêcheraient qu’il surprenne son lecteur. La technique se doit d’être toujours présente mais jamais envahissante. C’est pourquoi il est nécessaire de la maitriser pour l’utiliser avec une discrétion qui se remarque juste ce qu’il faut. Ne pas en faire étalage tout en permettant au lecteur de la deviner comme une ombre qui par contraste fasse briller le propos de l’auteur. La technique est, enfin, le projecteur chargé d’illuminer une idée, une phrase, un chapitre, un roman dans son entièreté.

L’effort ou le plaisir ?

C’est magnifiquement écrit, tout ça, mais ça ne répond pas à mon interrogation : doit-on prioriser l’apprentissage à l’écriture ou le contraire ? Étrangement, l’expérience m’a appris qu’en ce qui concerne la littérature, les gens préfèrent généralement prendre du plaisir à écrire que de consentir des efforts pour l’améliorer. On pourrait comprendre qu’on préfère le plaisir à l’effort, si l’on posait la question de manière aussi fermée. Mais si on demandait aux mêmes personnes si elles sont prêtes à accomplir des efforts pour augmenter leur plaisir, la nuance s’inviterait dans le débat.

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La juste place de l’approche intellectuelle du projet

Le kilo

Si on ajoutait qu’un effort est en lui-même source de plaisir quand on l’aborde de manière ludique, il y aurait moyen de reconsidérer la notion même de ce terme. De prendre du recul par rapport au fait qu’on nous le présente assez fréquemment comme un instrument de torture destiné à molester nos neurones. Et qu’en raison d’une vision biaisée des choses tenant presque de la manipulation mentale, notre cerveau alourdirait presque automatiquement le sens de ce mot d’une charge négative. Ça me rappelle une devinette enfantine : « Qu’est-ce que tu préfères recevoir sur la tête, un kilo de plumes ou un kilo de plomb ? » ; dans l’esprit des bambins, à poids égal, le plomb procurerait plus de souffrance. Comme l’effort. Mais plumes ou plomb, ça reste un kilo qu’on se prend sur le coin de la tronche.

Ce qui n’appartient qu’à vous

Ceci posé, j’en reviens à mes deux heures réservées à l’écriture dont je vous ai généreusement fait don il y a plusieurs phrases de ça. De rien, c’est dans ma nature d’être prodigue quand ça ne me coûte pas un rond. En 120 minutes, on peut avancer à pas de fourmi ou progresser à bonds de géant, tout dépend de la manière dont on optimise cet espace créatif. J’ai déjà spécifié que l’approche intellectuelle de votre projet livresque était prépondérante ; pour autant, on doit se débrouiller afin qu’elle ne grignote pas un millième de seconde au moment où vous êtes dans l’acte d’écrire. Celui qui n’appartient qu’à vous. Qu’il s’agisse de réviser un procédé littéraire ou de terminer un chapitre, la place de cette approche n’est pas là.

Vous n’avez pu que le constater à maintes reprises au cours de chaque période où un projet littéraire est en route : nos pensées ne cessent de revenir vers lui à tous les stades de son avancée. Cette partie-là du boulot n’a pas de contraintes horaires. Elle s’effectue naturellement et quand est venu l’instant d’écrire, son rôle de facilitateur de la mise en action de nos idées, sa fonction nous aidant à rendre plus saillants les traits de notre imaginaire, son mode préparatoire simplifiant au mieux le tri de nos mots et la construction de nos phrases, sa vision globale de l’objectif et la meilleure façon de l’atteindre, etc., sont mis en sourdine, mais pas ignorés.

Elle opère comme un préparateur mental auprès d’un sportif avant un match important. Elle ne sera pas à ses côtés sur le terrain, mais il ressentira inconsciemment sa manière de planifier son attitude pour qu’il soit le plus performant possible. Remplacez « sportif » par « écrivain », et vous aurez compris l’importance que cette approche revêt. Grâce à elle, vos adjectifs seront employés avec la parcimonie garantissant leur impact. Vos paragraphes seront tirés au cordeau : ils amèneront le suivant sans empiéter sur son contenu. Vos chapitres se cloront en donnant au lecteur l’envie irrépressible de lire le début du suivant. Vos idées séduiront par l’habileté avec laquelle elle conféreront un surcroît d’intérêt à l’intrigue. Et parmi vos personnages, certains demeureront inoubliables…

Voilà, c’est fini en ce qui me concerne, tandis que pour vous, ça ne fait que commencer. Au fait, si jamais il s’avérait que ça sente bon pour vous auprès d’un éditeur, sachez que je me contenterais des droits d’odeur…