Apprendre & Pratiquer le métier d'écrivain

Comment écrire une histoire cohérente ?

Comment écrire une histoire cohérente ? En maîtrisant son sujet. Raconter une histoire exige de posséder un minimum de connaissances par rapport au thème que l’on aborde. Ce n’est pas plus une question de technique que de style, juste une approche consciente de nos failles en fonction de ce dont on souhaite parler. Pourquoi est-ce si important d’en prendre la mesure ? Pour ne pas être ridicule est la première réponse me venant à l’esprit. Voyons comment ne pas rougir de honte en se rendant compte suite à la remarque d’un lecteur ou d’un éditeur que faute d’avoir suffisamment bossé son sujet, on s’est rendu coupable d’une grossière erreur…

Bien connaître ce qu’on raconte

L’exactitude est la politesse des écrivains

Savez-vous combien de nouvelles j’ai écrites sans savoir, au départ, les particularités du sujet que j’abordais ? Allez, je vous le fais à la louche : pas plus de 10 %. Pas énorme. J’ai pour principe de ne pas trop m’aventurer hors de ma zone de confort, concernant l’écriture. Mais dans ce pourcentage restreint, ce dont je voulais traiter m’intéressait, tout simplement, bien que n’y connaissant pas grand-chose. Un travail de recherches s’imposait alors. C’est, je trouve, un des côtés enrichissants de l’écriture : découvrir tout un tas de trucs dont on n’avait même pas idée. Ainsi, j’ai appris des choses dont j’ignorais tout ou presque, allant du vocabulaire spécifique aux fumeurs de cigares à la description exacte du matériel nécessaire à un groupe de rock en tournée.

Ce diable de professionnalisme se niche dans les détails !

Tout ne m’a pas servi, loin de là. Il m’est souvent arrivé, après avoir décortiqué bien des aspects d’un thème, de n’en retirer qu’une phrase. Mais c’est parfois autour de cette unique phrase que je suis parvenu à construire mon récit. En m’appuyant sur des détails, j’ai développé des scènes clés où le réalisme que j’y avais insufflé faisait qu’elles fonctionnaient beaucoup mieux que si je n’avais pas consenti l’effort de me renseigner. Quand on se contente de survoler son sujet, qu’on néglige de se pencher sur des points qui s’ils avaient été mentionnés l’auraient enrichi, c’est à mon sens une faute professionnelle.

Mettre tous les moyens pour effacer une tache

Vous estimez que j’y vais fort en disant ça ? Que je recours à l’exagération afin de mieux faire passer mon message ? Il n’en est rien. Car ma foi, dans n’importe quel métier, lorsqu’on ne met pas en œuvre tous les moyens dont on dispose afin de viser l’excellence, et si à cause de ce manquement le résultat escompté n’est pas obtenu, alors oui, pour le moins, ça fait tache. En considérant ceci, n’oubliez donc pas que raconter, pour une part, c’est traquer toutes les sources d’inexactitudes. Sans quoi, on vous le reprochera inévitablement, comme on va le voir ci-dessous…

Ce que je vous dis est vrai

La crédibilité incontestable

Partant de là, qu’importe ce que vous souhaitez évoquer, l’essentiel étant que ce soit rendu  crédible grâce à un discours, une description, une anecdote, une reconstitution, etc, ne souffrant d’aucun élément contestable. Si on vous prend en flagrant délit d’avoir commis une erreur sur un sujet précis, vous êtes foutu. Il vaut mieux éviter de plaisanter avec la réalité, sinon un lecteur pointilleux vous alignera vite fait. « Quoi, vous affirmez que la sculpture ornant la façade de cet édifice comporte trente écailles dorées à l’or fin alors qu’en vérité elle n’en compte que vingt-huit ? C’est scandaleux une telle approximation ! »

Quand ça vous saute au visage

Eh oui, ça peut paraître anecdotique, mais un lecteur tatillon vous déboulera toujours furieusement dans les pattes afin de souligner votre nullité dans un domaine que lui domine tout à fait. La réaction est disproportionnée, mais également compréhensible. Imaginez que vous détectiez une bourde d’importance dans un texte historique relatant une période que vous maîtrisez sur le bout des doigts. Que ça vous saute au visage tel un affront à votre propre savoir hérité de nombreuses lectures. Ne ressentiriez-vous pas une pointe d’agacement en établissant le désolant constat que l’auteur ait traité ce sujet qui vous est cher par-dessus la jambe ? Qu’il ait bâclé le boulot ? Inutile que je me fende d’une réponse, n’est-ce-pas ?

La culotte de Jeanne d’Arc

Bien sûr, on peut prendre des libertés par rapport au réel. Si rajouter un quatrième étage à la tour Eiffel sert votre histoire, ou si vous affirmez que Youri Gagarine a été le premier homme à poser le pied sur la Lune tandis que pendant ce temps-là Neil Armstrong savourait un milk-shake à la fraise, ceci dans le but de renforcer une uchronie, en tant que lecteur, ça ne me poserait aucun souci. Car je saurais que ces altérations de la réalité sont volontaires. En revanche, dire le plus sérieusement du monde que Jeanne d’Arc portait un string sous son armure (laissez-moi à mes fantasmes, d’accord ?) trahirait une méconnaissance de l’Histoire qu’on ne vous pardonnerait pas. Alors qu’en fait, cette chère Jeanne avait une ravissante petite culotte en cotte de mailles. Si, c’est vrai.

Une parade pour se sortir de la panade

Vais-je une fois de plus utiliser ma carte magique pour illustrer mon propos ? À savoir me servir d’une des multiples ficelles employées par Stephen King pour désamorcer d’emblée les critiques inhérentes à un « dysfonctionnement narratif » ? Ben tiens, je vais me gêner ! L’Argument précédant Terres perdues, le troisième volume de la saga La tour sombre (en vente dans toutes les bonnes librairies ; précipitez-vous), l’auteur le conclut ainsi : « (Note : Les lecteurs connaissant bien New York constateront que j’ai pris certaines libertés avec la géographie de cette ville. J’espère qu’ils m’en excuseront.) »

C’est un procédé qui pourrait passer pour de la roublardise visant à masquer de l’ignorance. Mais en fait, lorsque King avoue qu’il a « pris certaines libertés avec la géographie de cette ville », il signale au lecteur que bien que connaissant New York de la plus petite ruelle de Harlem jusqu’à la plus grande Avenue de Manhattan, il a dû en modifier les plans pour les besoins de son récit. Il justifie sa tricherie (bien innocente) en étant honnête. À la différence de celles et ceux se servant d’un matériau dont ils ignorent à peu près tout en cumulant les invraisemblances, King désaccorde l’existant sans commettre de fausses notes. C’est un décalage effectué sciemment pour mieux servir son intrigue. Ce vers quoi on peut tendre sans se faire taper sur les doigts : l’erreur utile soigneusement documentée…

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