Écrire des nouvelles, un défi de taille ?
Écrire des nouvelles est un défi. S’exprimer au minimum pour faire comprendre un maximum est un pari à relever !
Mal-aimée du milieu éditoriale ou genre peinant à s’imposer, la nouvelle a pourtant vu au fil du temps les tout meilleurs écrivains se pencher sur son cas. Sans s’inscrire dans un cadre institutionnel – trop rebelle ou mal identifiée pour ça ? – ni céder plus que de raison aux tendances, elle demeure la « petite » voix littéraire qui, sans hurler son existence, continue de chuchoter à l’oreille des lecteurs…
Sommaire
La survie de la nouvelle
Second souffle
En l’an 2000, avec Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part, Anna Gavalda avait apporté un vent de fraîcheur s’étant transformé en second souffle pour la nouvelle. En approchant les 2 millions de ventes, le succès de son recueil laissait entrevoir des lendemains qui chantent. Presque un demi-siècle plus tard – eh oui ! – état des lieux très succinct, le genre exigeant la brièveté, de la place occupée par cette écriture particulière. Un second souffle, oui, mais sur quelles braises ?
La cohabitation des genres
On va le voir, le triomphalisme n’est pas de mise, car si les batailles sont nombreuses, les victoires sont rares. De l’arrière-garde aux porte-étendards, non pas du renouveau, mais de la pérennité de la nouvelle en France, des noms « parlent » aux amateurs du genre : Éric Faye, la regrettée Annie Saumont, Olivier Adam, Gilles Marchand, Bernard Quiriny et Tonino Benacquista, entre autres. Vous pourrez découvrir leurs « tableaux de chasse » respectifs des divers prix glanés au fil de leur parcours à la fin de cet article.
Mauvaise exposition
S’ils se sont tous illustrés dans le genre qui nous occupe aujourd’hui, force est de reconnaître qu’ils se sont majoritairement appuyés sur la publication de romans, cohabitation indispensable afin de conserver l’attention du grand public. L’exposition de la nouvelle s’avère en effet trop réduite pour que les plus gros éditeurs y consacrent les moyens et le temps nécessaires à une véritable reconnaissance. C’est en marge d’une œuvre plus identifiée, et dont la mise en avant se trouve, de ce fait, facilitée, que la nouvelle vit. Survit ? Non, car en dépit de ses difficultés à n’exister que par elle-même, des maisons d’édition s’adaptent à ce marché, et la solution numérique semble avoir de beaux jours devant elle.
Comparaisons
La porte dérobée
De par son format, on en viendrait donc à considérer la nouvelle, à l’instar de la poésie, comme un genre confidentiel. Il est vrai que son accès à quelque cénacle littéraire s’effectue plus par une porte dérobée qu’en en franchissant l’entrée principale. Sa taille restreinte la condamne fréquemment à demeurer dans l’ombre des « grands » romans pour quelques-uns frappés de gigantisme rien qu’à l’évocation de ceux les ayant écrits. Pensez donc : Flaubert, Stendhal, Zola ! Et encore Zweig ou Cervantès, sans oublier l’immense Goethe ! Quel nouvelliste, aussi doué soit-il, aurait la prétention de mesurer ses minuscules histoires, d’où le moindre souffle romanesque est absent, à ces œuvres-là ? Personne. Vraiment ? Eh bien si : eux-mêmes !
La fausse modestie de la nouvelle
Bien qu’ils ne soient pour certains pas célèbres pour ce talent-là, ces écrivains dont leur grandiose apport à l’écriture n’est plus à vanter ont en effet, parmi bien d’autres, donné ses lettres de noblesse à la nouvelle. Eh oui, ce genre-ci n’est pas le refuge des médiocres, des traîne-crayons, des fainéants sans imagination qui mégotent sur la camelote. C’est pourquoi il ne faut pas se laisser abuser par l’apparence de la nouvelle : sous ses dehors faussement modestes, elle a prouvé plus d’une fois qu’elle avait beaucoup d’ambition.
Roman et nouvelle tour à tour
Une œuvre est digne d’intérêt quand tout le savoir-faire propre à un art a été mobilisé afin de l’accomplir. Même en la comparant à une autre réalisation de son auteur jugée plus importante, on doit l’apprécier à sa juste valeur. Sans quoi, que penserait-on des ouvrages édifiés par Gustave Eiffel autres que sa célèbre tour ? Aussi admirable soit-elle, elle n’annihile pas ses constructions plus humbles qui, bien que moins visibles, ont nécessité de la réflexion et la mise en œuvre de compétences. Il en va de même de la nouvelle par rapport au roman.
Particularités des genres
L’encerclement des ressources
On l’aura compris, fondamentalement, la taille ne change rien à l’affaire. Ce n’est pas parce qu’on est doué pour l’harmonica qu’on ne peut exceller au piano, Stevie Wonder serait bien placé pour l’affirmer. Les techniques diffèrent, mais de la même manière que les notes de musique sont identiques, les mots de la nouvelle sont aussi ceux du roman. Et bien souvent, ils racontent les mêmes choses. Cela dit, chaque format induit des codes qui lui sont spécifiques et ne fixant des limites que pour mieux cerner les ressources de chaque genre.
De légères différences
Ainsi, là où le discours du roman prend le temps de s’épanouir, la nouvelle s’exprime avec la concision née de l’urgence. Quand le roman décrit, son regard s’attarde, pendant que la nouvelle jette un bref coup d’œil sur ce qui l’entoure. Les rebondissements caractérisent le roman, la nouvelle ne connaît que le soubresaut de sa chute – lorsqu’elle en comporte une. Quand on ouvre un guillemet dans un roman, on prend une bonne respiration ; dans une nouvelle, on retient son souffle. Tout ou presque contribue à ce qu’un genre ne braconne quasiment jamais sur les terres de l’autre : la littérature a ses chasses gardées.
Les pièces détachées de la littérature
Pour autant, ces deux visions de l’écriture peuvent s’alimenter l’une l’autre. Il n’est en effet pas si rare de voir une nouvelle connaître une seconde vie dans un développement romanesque, quand une fois achevée son auteur estime qu’il n’en a pas exploité tout le potentiel. Cela ne signifie pas que sa version courte soit insatisfaisante. Seulement, un sujet soumis à l’imagination d’un écrivain révèle parfois des cachettes qu’il n’avait pas dans un premier temps songé à explorer. Le processus inverse, du roman à la nouvelle, est bien entendu envisageable. Chaque histoire comporte son lot de pièces détachées. Un brin d’ingéniosité permet de les recycler.
Prendre le temps de la nouvelle
La rapidité d’une erreur
Ce serait une erreur d’entreprendre l’écriture d’une nouvelle avec pour seule motivation d’aller plus vite qu’en se confrontant à un roman. Viser un gain de temps n’est pas le meilleur état d’esprit pour progresser. En littérature, qu’on lise ou qu’on écrive, se dépêcher n’est pas gagner en rapidité mais passer à côté de l’essentiel. À l’instar du roman, la nouvelle ne pardonne pas le travail bâclé. Au contraire, sa brièveté et l’unicité de son propos réclament une exigence supplémentaire. Quand on a en mémoire tous les éléments d’une histoire, comme c’est le cas à la lecture d’un texte court, le lecteur repère plus aisément ce qui grippe dans la mécanique du récit.
La nouvelle voyageuse
À l’inverse, l’intrigue d’un roman peut marquer brièvement le pas sans conséquence irréparable et repartir de plus belle. Dilué dans un flot d’actions, de coups de théâtre et de dialogues, un ralentissement narratif très passager n’impactera pas le roman de façon rédhibitoire. La nouvelle aura plus de mal à encaisser un tel « temps mort », à l’absorber. Son rythme par nature plus resserré ne supporte guère la digression ; ça voyage léger, une nouvelle, sinon ça ne va nulle part.
Les détails essentiels
La vivacité intrinsèque à la nouvelle n’exclut en rien un propos réfléchi. L’énergie qu’elle génère est au contraire la source d’un incessant bouillonnement créatif, d’une tactique littéraire : comment relier le plus efficacement les scènes entre elles ? Ne pas lambiner en chemin tout en n’abandonnant pas son lecteur sur le bas-côté ? De quelle manière laisser sourdre entre les lignes la finalité de l’histoire sans la révéler tout à fait ? Quel est le moyen de ne pas rendre un indice trop visible alors qu’on ne dispose que de peu d’occasions de le dissimuler ? La nouvelle, c’est questionner les détails pour répondre au besoin d’essentiel…
– Éric Faye, dont le remarqué Je suis le gardien du phare lui valut en 1997 d’être lauréat du prix des Deux Magots, a depuis publié d’autres recueils, le plus récent étant Le Bureau des jours perdus, paru en 2021. Éclectique, il a aussi à son actif des romans et des essais.
– Au cours de sa carrière, Annie Saumont a « cumulé » les prix couronnant la nouvelle, dont celui du Goncourt 1981 pour Quelquefois dans les cérémonies et le prix SGDL 1989 pour Je suis pas un camion.
– Tonino Benacquista a reçu le prix de la nouvelle de l’Académie française 2013 et le grand prix de littérature de la SGDL 2013 pour Nos gloires secrètes.
– Olivier Adam a reçu le prix Goncourt de la nouvelle 2004 pour Passer l’hiver.
– Gilles Marchand a reçu le prix SGDL 2018 pour Des mirages plein les poches.
– Bernard Quiriny a reçu le prix du style 2008 pour Contes carnivores et le grand prix de l’Imaginaire 2013 pour Une collection très particulière.
Écrire une nouvelle dans les règles de l’art: Guide pratique Broché – 22 mai 2020
de Jocelyne Barbas (Auteur), Frédéric Barbas (Auteur)
Comment rédiger une nouvelle dans les règles de l’art ? De nombreux auteurs à succès ont commencé à rédiger des nouvelles avant de se lancer dans le roman. La technicité de ce récit bref est si exigeante qu’elle leur a permis d’apprendre leur métier d’écrivain tout en commençant à publier. Il est donc tout à fait logique d’aborder une formation d’auteur en écrivant des nouvelles. Face à la surproduction éditoriale, miser sur la qualité de ses textes reste une bonne stratégie pour se démarquer et séduire des lecteurs.
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Frédéric Barbas
Frédéric écrit depuis toujours. Il a corrigé des milliers de nouvelles et lu bien des livres avant de partager ses expériences. Il a choisi de s'exprimer sur ce blog et de laisser la tâche délicate de la correction à d'autres écrivains au sein de L'esprit livre.