Apprendre & Pratiquer le métier d'écrivain

Écrire simplement

Un auteur qui se donne la peine d’écrire simplement augmente ses chances de retenir son lecteur. Cette simplicité consiste à faire émerger une idée en la débarrassant de tout ce qui pourrait en encombrer le sens. La pensée doit aller droit au but afin que cette idée ressorte sans que rien d’autre ne vienne s’y greffer ni n’en gêne la pousse. Prenez une bêche s’il vous plaît, nous allons faire un petit tour dans ce jardin littéraire…

L’importance de la porte, la puissance de la clef

La porte du destin

Quand on écrit, on a le souhait de délivrer un propos limpide à son lecteur à l’aide d’un style direct. Les circonvolutions sont le boa constrictor de la phrase. Elles l’étouffent. Aussi, il convient d’éviter ce genre de construction : « Il entra dans la maison qui semblait empester le cambouis – la sueur de moteur, comme on appelait ces dépôts noirâtres lorsqu’il était mécanicien à Roubaix, sous les ordres de ce fumier de Ménard –, puis, plus vigilant qu’un maître-nageur sauveteur, il se dirigea vers la porte du fond de la pièce, dont il savait que derrière elle l’attendait son destin. » En mode simplifié : « Il entra dans la maison et se dirigea vers la porte derrière laquelle l’attendait son destin. »

La difficulté dans la simplicité

Je reconnais volontiers que c’est drastique question simplification. Mais si ça ne l’était pas, il y aurait une dilution artificielle de l’information principale : le personnage doit se rendre jusqu’à une porte le séparant de quelque chose qui va influer sur son existence. Bien sûr, rien n’interdit de ménager le suspense avant qu’il y parvienne. Mais cela ne doit pas se traduire par des banalités ou des souvenirs n’empêchant aucunement sa progression vers cette porte. Si vous devez retarder cet instant, ce doit être en menaçant ses chances d’y accéder. Pas en racontant un épisode anecdotique de la vie du personnage. Mais bien en le mettant en difficulté dans la réalisation de son objectif. 

La table et la clef

Tenez, un exemple simple de ce qui pourrait momentanément freiner le personnage dans sa quête. La pièce où se situe la fameuse porte est plongée dans l’obscurité. Le proprio ne s’est pas acquitté de sa facture d’électricité, que voulez-vous, les temps sont durs. Imaginons que notre personnage, heurtant un meuble, laisse échapper la clef. Comment décririez-vous cette scène avec simplicité ? « Boum la table, a pu la clef. » ? Admettons. Et voilà notre personnage accroupi, cherchant la clef à tâtons. Se demandant s’il ne faut pas voir un signe du destin dans le fait qu’il l’ait laissée tomber. Que, peut-être, il vaudrait mieux que cette porte demeure close. Ça, ce n’est pas étirer inutilement un passage, mais instiller le doute dans l’esprit du lecteur par le biais de celui du personnage. Oui,  c’est une technique ahurissante que quelques initiés et moi-même tenons des moines copistes. Je sais, je ne fais pas mon âge.

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L’élan, la grenouille et le bœuf

Quand la simplicité manque d’élan

Outre le fait d’aller à l’essentiel, la simplicité d’une phrase exige une concision de tous les instants. Non seulement en ne déviant pas de la ligne directrice de l’action narrée, mais en ne l’encombrant pas de termes susceptibles d’en rendre la compréhension immédiatement accessible. Je précise que cela n’exclut en rien une littérarité d’ensemble. Toutefois, certains passages réclament un langage assimilable dans l’instant, de sorte que ce qui est raconté prenne le dessus sur le style. Quand on s’arrête sur un mot, aussi bien employé soit-il, on perd en promptitude narrative. Si vous vous risquez à glisser un terme apte à faire s’interroger votre lecteur sur son sens, vous brisez un élan. Non, je ne parle pas du grand cerf aux bois larges et plats qui vit en Scandinavie, en Sibérie, aux États-Unis et au Canada, où il est appelé orignal. Je me demande si je ne vais pas devoir payer des droits d’auteur à Larousse, là.

Autour du pot

Une autre façon de casser la dynamique d’une phrase est de recourir sans que cela se justifie à de la rétention d’information. De tourner autour du pot. À celles et ceux ne connaissant pas cette expression, je leur conseille d’acheter un pot et de tourner autour : vous vous rendrez vite compte que ça ne sert à rien. Certain(e)s s’ingénient pourtant à employer ce moyen-là pour différer la chute d’une scène en estimant que cela la rendra plus efficace au moment où ils la délivreront à leur lecteur. C’est une erreur. Sauf à considérer qu’entre le moment  où un passage débute et celui où il se termine, des réflexions ou des événements constitueront une valeur ajoutée quand il s’achève. Sinon, il ne s’agit que de remplissage. De vouloir faire croire que la grenouille va devenir plus grosse que le bœuf. Vous savez comment ça finit…

Du menton au mouchoir blanc

À éviter à tout prix si l’on veut que la simplicité règne dans une phrase : le manque de lien entre le sujet, le verbe et le complément. « Alain, dont la chemise à carreaux accentuait dans une curieuse harmonie sa mâchoire carrée, la faisant même paraître plus anguleuse qu’elle ne l’était, pétri du besoin absolu depuis le début de la matinée, et quoi qu’il lui en coûte, tout en désirant mettre quelques économies de côté, de s’acheter afin d’adoucir les contours de son menton, un t-shirt à fines rayures verticales. » Truffez un paragraphe de ce genre de tournures, et vous pourrez agiter un mouchoir blanc pour dire adieu à votre lecteur.

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Pièges et fausses pistes

La transparence de la coquille

Autres pièges à esquiver, les sous-entendus et les ambiguïtés. Si votre lecteur ne sait pas exactement à quoi s’en tenir, pire, s’il comprend le contraire de ce que vous avez voulu exprimer, autant dire que ça entraînera des conséquences néfastes sur la suite de votre récit. La simplicité supporte mal le manque de transparence. Comme le mot « coquille » se désespère de l’absence de la lettre « q ». Mouais. Si vous désirez faire passer un message tout en laissant penser qu’il est sujet à caution, vous créerez chez ceux qui vous lisent des points d’interrogation plus que dispensables.  Pourquoi amener du trouble  dans les pensées de votre lecteur quand on est en mesure de lui raconter une histoire en demeurant clair à chaque instant ?

La nécessaire interprétation des faits

Comprenez bien que cela ne vous prive aucunement de l’entraîner sur de fausses pistes. La simplicité n’est pas forcément la vérité. Quand par le biais d’un personnage on énonce un mensonge, il faut qu’il soit bien compris. Que le lecteur l’intègre comme une information sur laquelle il soit à même de réfléchir en étant certain qu’il l’a bien appréhendée. Et s’il en déduit un raisonnement faux, que ce ne soit pas à cause de votre inclination à lui soumettre des faits trop nébuleux pour qu’ils puissent être interprétés correctement. La simplicité possède sa part de logique où la ruse a droit de cité…