Apprendre & Pratiquer le métier d'écrivain

Écrire un livre accrocheur

Pour écrire un livre accrocheur, les auteurs à succès s’entendent sur les mêmes éléments. Alors pourquoi chercher à faire autrement quand on vous sert sur un plateau des recettes qui persistent et performent ?

Écrire un roman sans d’autre prétention que noircir du papier, ça revient à mettre de la fumée dans des sacs, une expression roumaine équivalente à notre stradivarius littéraire « pisser dans un violon ». Produire un bon texte, c’est plus compliqué, ça prend du temps, comme de tuer un âne à coups de figues molles, selon une autre expression, mais du Sud de la France. En revanche, accoucher d’une histoire qui soit accrocheuse se révèle plus douloureux, les parturientes qui me lisent ne me contrediront pas. Pour que le lecteur puisse boire du petit lait à chaque page d’un livre et l’inciter à tourner la suivante, voici quelques erreurs à éviter et des procédés à température idéale pour remplir des biberons de suspense…

Promenade au bord de la falaise

Dérapages

Si vous souhaitez maintenir en éveil la curiosité de votre lecteur, quel que soit votre genre de prédilection, un risque de dérapage permanent doit régner sur votre récit. Déraper, c’est perdre le contrôle, et en l’occurrence, faire entrevoir à celui qui entreprend de découvrir votre littérature qu’elle peut se révéler un brin casse-gueule. Le pire étant que vous lui annoncez qu’il va y avoir de l’inattendu et que non seulement il paie pour savoir de quoi il s’agit, mais qui plus est, il accepte de ne pas le savoir dans l’instant. Votre promesse sera tenue, il en est certain. Mais il ignore quand et de quelle façon.

Un Anglais à Étretat

Nos amis anglo-saxons ont inventé le terme cliffhanger signifiant « personne suspendue au rebord de la falaise ». Quelle drôle d’idée, mais les Anglais ne sont pas des gens comme nous, comme le disait le regretté Pierre Desproges à propos des enfants. On devrait ce terme à l’écrivain Thomas Hardy, qui dans son roman A pair of blue eyes, initialement publié en feuilletons, laisse son personnage dans la fâcheuse posture évoquée plus haut, rien que pour faire bisquer son lecteur. Quel farceur, ce Thomas, quand même. Bref, fin de cette information wikipédiesque aménagée à ma sauce, mais si jamais vous ne savez pas quoi faire pendant vos vacances à Étretat…

La dilution du suspense

Bien sûr, tout dépendra de la notion de danger, de surprise, de malentendus, d’enjeux, etc., qu’il vous reviendra de distiller selon le type d’histoire que vous racontez. J’y reviendrai plus tard, mais en attendant cet instant béni entre tous, imaginons que vous établissiez comme règle de recourir à un cliffhanger à chaque fin de chapitre. Le poison étant dans l’excès, il conviendra en effet de ne pas en truffer votre texte, en gardant à l’idée que l’effet produit par le cliffhanger et ses conséquences peuvent se diluer sur un nombre variable de pages dont il appartiendra à l’auteur de mesurer la diminution progressive juste avant qu’ils deviennent inopérants au niveau du suspense.

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Ne jamais s’éloigner du thème principal rend un roman attractif

Le principe du ressort

C’est un phénomène qu’il faut donc anticiper pour qu’aucun creux n’altère la tension que l’écrivain doit gérer afin qu’on veuille toujours en savoir plus. Quand le ressort narratif est détendu, tout ce qu’on a écrit en-dehors de ça est vide du moindre potentiel et sans intérêt. Il devient un levier ne déclenchant aucune force capable d’appâter votre lecteur en permanence. Votre propos n’existera pleinement et ne se déploiera avec une attractivité inaltérable à la seule condition que vous ayez toujours cette volonté de tendre votre ressort narratif à son maximum. Pour que cette puissance demeure constante d’un bout à l’autre de votre histoire, rien ne doit en ralentir le rythme. Pas plus qu’une respiration dans un texte ne soit un essoufflement, mais l’occasion de se donner le moyen de relancer sans cesse la curiosité.

Partir très fort sur la pointe des pieds

Cette progression vous obligera à rendre votre roman attractif. À ne pas traîner en route afin de générer une impatience telle que votre lecteur sera immédiatement sur des charbons ardents. Dès votre introduction, il faut fuir comme la peste bubonique les considérations générales. Ce qu’on pourrait appeler aussi la conversation qui fait travailler les muscles de la bouche sans faire frémir les neurones du cerveau. Écrire pour ne rien donner à lire. Sinon, quand vous affirmerez « Vous allez voir ce que vous allez voir » à votre lecteur, il sera depuis longtemps parti sur la pointe des pieds. Les vôtres, bien sûr. Oui, ça fait mal.

Collez d’emblée au plus près de votre récit

Quelques exemples de première(s) phrase(s) à proscrire : « Il faisait beau et le soleil entrait par les stores vénitiens. ». « Bloqué dans la circulation, il maugréait contre les voitures avançant au ralenti pare-chocs contre pare-chocs. ». Ah dites donc, je sens qu’on va se régaler si le reste est à l’avenant. Votre histoire n’est ni un bulletin météo, ni un point sur le trafic routier un jour de chassé-croisé entre Juillettistes et Aoûtiens. Il faut la contextualiser le plus rapidement possible de façon dynamique. Qu’est-ce à dire ? En commençant par ne pas parler de ce qui n’aura aucun impact sur votre récit.

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L’importance d’éliminer le moindre fait négligeable

Un promontoire pour crier

S’il pleut à verse ou qu’il fasse une chaleur torride, il faut que cela ait une conséquence directe et rapide qui mette du combustible dans la locomotive de votre histoire. Si votre personnage a le moteur de sa voiture qui fume parce qu’il vient de passer deux heures dans les embouteillages, on n’incitera pas le lecteur à aller plus loin en lui donnant le nom du garagiste en route pour le dépanner. Il est nécessaire de lui indiquer dès les premières lignes une direction, c’est-à-dire l’importance du fait énoncé par rapport à la situation que vit le protagoniste mis en avant. Un point de départ, c’est une sorte d’endroit élevé d’où vous criez « Oyez oyez, brave gens ! » à votre lecteur afin qu’il tende l’oreille pour savoir ce qui justifie que vous l’interpelliez ainsi.

Le dialogue ? Ne m’en parlez pas !

Autre procédé galvaudé ou tenant du cliché pour retenir l’attention dès les premiers mots : le dialogue. Pourtant, me direz-vous, et sur ce coup-là je ne vous donnerai pas tort, un dialogue bien mené est empreint de dynamisme. Tout ce qu’on recherche, justement ! Alors ? Alors je viens de vérifier, parce que je ne voudrais pas passer pour un gars qui ne sait pas de quoi il parle (est-ce que quelqu’un pense à mon p’tit ego, parfois ?), dans les romans dont la liste suit, le dialogue n’arrive qu’après qu’un élément significatif ait été porté à la connaissance du lecteur. Et c’est seulement à partir de ce moment-là, un paragraphe plus loin ou quelques pages plus tard, qu’il tient son rôle consistant à insuffler une énergie différente de la narration « classique ». La preuve par l’exemple si vous voulez bien vous donnez la peine de lire la liste des ouvrages que je viens de sélectionner pour étayer mon propos.

Le narrateur et rien d’autre

Le monde selon Garp (John Irving), Premier sang (Amélie Nothomb), Les vestiges du jour (Kazuo Ishiguro), Anatomie d’un crime (Elizabeth George), La route (Cormac McCarthy), Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part (Anna Gavalda – parmi les nouvelles constituant ce recueil qui l’a fait connaître, aucune n’est amenée par un dialogue. Aucune. Puisque je vous dis que j’ai vérifié. Non mais), La mort est mon métier (Robert Merle), Bonjour tristesse (Françoise Sagan), Ça (Stephen King), Le mec de la tombe d’à côté (Katarina Mazetti), L’attrape-cœurs (J.D. Salinger), La ferme africaine (Karen Blixen), Sur la route (Jack Kerouac), Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur (Harper Lee), Cent ans de solitude (Gabriel García Márquez), etc., ont au moins deux choses en commun : ce sont tous d’énormes succès de librairie croulant sous les prix les plus prestigieux – et pour nombre d’entre eux des livres cultes –, et pas un seul ne comporte un dialogue pour introduire l’histoire.

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Les bénéfices

Faveur, flatterie, et petits cochons

Après cette énumération d’une pertinence remarquable (mais si), je vous laisse en tirer la conclusion qui s’impose. Je sais que quelques esprits mesquins me dégoteront un contre-exemple de derrière les fagots, étalant par cette médiocre technique la mauvaise foi caractérisant les gens pensant que dire le contraire d’une vérité est un signe d’intelligence alors qu’il s’agit d’une posture flottant comme un étron à contre-courant d’un fait établi, mais je m’excuse à l’avance auprès de ceux-là de leur dire que je m’en contrefiche. Vous noterez au passage qu’il est facile de s’agacer d’un rien et de le faire savoir lorsque, seul au gouvernail d’un article, on peut se servir d’un paragraphe comme d’une étrave fendant les flots de la contradiction avant même de prendre la mer. À condition de savoir que pour s’autoriser ce genre de faveur, on s’adresse à des personnes intelligentes. La flatterie me mènera loin si les petits cochons ne me mangent pas.

Le talent par l’apposition des mains. Ou pas.

Cette belle liste ne nous apporterait rien hormis le mérite d’exister si l’on n’en tirait pas quelque bénéfice. C’est pourquoi je vais vous demander de procéder à l’achat de deux ouvrages la composant, pour le cas où vous ne les possèderiez pas, puis d’apposer vos mains après les avoir trempées dans l’eau sur la couverture de ces romans pour que le talent de leur auteur s’infuse en vous pas capillarité. Dans l’improbable hypothèse où cela ne fonctionnerait pas, rabattons-nous sur la solution de secours consistant à s’inspirer de leur manière de nous attirer implacablement dans les méandres de leur génie. En disant les choses plus simplement, voyons comment ils s’y sont pris afin d’accrocher notre intérêt en quelques mots. Veuillez passer devant, je vous prie…

En une phrase

« C’est un trajet en bus qui marqua l’entrée dans le crime de Joel Campbell, onze ans à l’époque. » (Anatomie d’un crime – Elizabeth George).

« Si vous voulez vraiment que je vous dise, alors sûrement la première chose que vous allez demander c’est où je suis né, et à quoi ça a ressemblé, ma saloperie d’enfance, et ce que faisaient mes parents avant de m’avoir, et toutes ces conneries à la David Copperfield, mais j’ai pas envie de raconter ça et tout. » (L’attrape-cœurs – J.D. Salinger).

« Bien des années plus tard, face au peloton d’exécution, le colonel Aureliano Buendia devait se rappeler ce lointain après-midi au cours duquel son père l’emmena faire connaissance avec la glace. » (Cent ans de solitude – Gabriel García Márquez).

 « La terreur, qui n’allait cesser qu’au bout de vingt-huit ans (mais a-t-elle vraiment cessé ?), s’incarna pour la première fois, à ma connaissance, dans un bateau en papier journal dévalant un caniveau gorgé d’eau de pluie. » (Ça – Stephen King).

En un paragraphe (à deux ou trois phrases près)

« Méfiez-vous de moi ! 

Seule et déçue, je suis une femme dont la vie sentimentale n’est pas très orthodoxe, de toute évidence. Qui sait ce qui pourrait me passer par la tête à la prochaine lune.

Vous avez quand même lu Stephen King ?

Juste là, je suis devant la tombe de mon mari, assise sur un banc de cimetière vert bouteille lustré par des générations de fesses, en train de me monter la tête contre sa dalle funéraire. » (Le mec de la tombe d’à côté – Katarina Mazetti).

« On me conduit devant le peloton d’exécution. Le temps s’étire, chaque seconde dure un siècle de plus que la précédente. J’ai vingt-huit ans.

En face de moi, la mort a le visage des douze exécutants. L’usage veut que parmi les armes distribuées, l’une soit chargée à blanc. Ainsi, chacun peut se croire innocent du meurtre qui va être perpétré. Je doute que cette tradition ait été respectée aujourd’hui. Aucun de ces hommes ne semble avoir besoin d’une possibilité d’innocence. » (Premier sang – Amélie Nothomb).

« J’ai connu Dean peu de temps après qu’on ait rompu ma femme et moi. J’étais à peine remis d’une grave maladie dont je n’ai rien à dire sinon qu’elle n’a pas été étrangère à cette lamentable et déprimante rupture, à mon impression que tout était foutu. Avec l’arrivée de Dean Moriarty commença le chapitre de ma vie qu’on pourrait baptiser ‘‘ma vie sur la route’’. » (Sur la route – Jack Kerouac).

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Ce qu’il faut retenir

La nourriture du lecteur

Ces introductions entrent dans le vif du sujet en exprimant un vécu, c’est-à-dire que l’on connaît quelque chose des personnages autre que ce qui relève du détail. Soit il s’agit d’un fait qu’ils se remémorent dans des conditions extrêmes (les pelotons d’exécution de Gabriel García Márquez ou celui d’Amélie Nothomb, une terreur de plus pour Stephen King), d’une rupture entraînant une rencontre ou d’un événement allant changer leur vie (Jack Kerouac, J.D. Salinger et Elisabeth George), d’une narratrice en deuil ne manquant pas d’humour (Katarina Mazetti), mais dans tous les cas on donne au lecteur de quoi se projeter dans l’histoire qui va suivre. On le nourrit.

Quand l’écrivain se joint au festin

C’est un peu comme si l’on tendait une gamelle pleine à ras bord de pâtée pour chien afin d’attirer un cabot errant qu’on compte apprivoiser pour le recueillir. Pour le faire entrer dans notre histoire, celle dont on lui promet qu’il s’y sentira bien tout le temps qu’il souhaitera la découvrir. S’y blottir. En tant qu’auteur, nous remplissons ces gamelles, en tant que lecteur, nous nous en nourrissons. Et le chien errant qui se trouve en chaque écrivain se souvient un jour que l’introduction d’un bouquin l’a fait saliver, et qu’il a fini par le dévorer. De la première page à la dernière bouchée.

Participez à la richesse intérieure de votre lecteur

Même s’il n’écrira jamais rien de romanesque de toute sa vie, votre lecteur est, comme vous qui imaginez des histoires, fait de cycles l’amenant à enrichir sa personnalité d’une manière ou d’une autre. Vos livres seront peut-être un jour destinés à intégrer un de ses cycles parmi ceux créant sa richesse intérieure. Mais rappellez-vous une chose avant d’aller plus loin. D’ailleurs, je suis moi-même déjà peut-être trop éloigné par rapport au sujet de mon article. Bah, prendre de l’avance ou avoir un tour de retard, il y a toujours un type en train de courir devant et un autre qui cavale derrière nous de toute façon, pas vrai ? Plus ou moins, disons. Alors si vous souhaitez posséder un bon tour d’avance, souvenez-vous de ceci : soignez ce côté accrocheur dès votre premier mot. Et loin derrière vous, vous entendrez inexorablement s’essouffler celui qui n’a pas pris la peine de le faire.

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La personnalisation des clichés littéraires

Le tour de manivelle

Pour finir en beauté dans un tourbillon phraséologique virtuose (provoqué par une modestie dont je ne reviens pas moi-même), je vais revenir sur le tout premier paragraphe de ce texte dont l’intertitre, sobre mais énigmatique (comme moi : je ne bois pas, mais je suis mystérieux), est « Dérapages ». J’évoquais brièvement le maintien de la curiosité de votre lecteur quel que soit votre type de littérature préféré. Oui je sais, je pense à tout, et quand j’oublie, je me rappelle d’avoir oublié. C’est magique. Je vais vous soumettre des phrases d’introduction par genre dont certaines lorgneront du côté du cliché, d’autres moins, afin de donner un tour de manivelle au moteur de votre histoire pour qu’elle démarre au quart de tour.

Écrire en ayant les mains libres

Cette référence était compréhensible pour celles et ceux dont les voitures ne possédaient pas encore de kit mains libres. Non madame, qui êtes en train de jeter des regards inquiets autour de vous en serrant votre sac à main contre votre hanche : quand je parle de kit mains libres, ça ne signifie pas qu’avant d’entrer dans la salle, j’ai aperçu sur le parking une voiture dont le volant était empoigné par un homme patibulaire aux poignets menottés. Enfin, j’admets qu’il faisait plutôt sombre dans l’habitacle, alors on ne sait jamais. Bref, reprenons.

Votre point de vue comme destination

Chaque style littéraire possédant ses codes, il est normal d’y recourir pour rendre attractif un livre selon le public auquel on s’adresse. C’est vers la personnalisation de ces schémas attendus qu’il convient de se tourner pour qu’ils demeurent reconnaissables tout en se démarquant par le style accrocheur que vous leur imprimerez. Autrement dit, soyez vous-même, conservez votre patte bien visible, mais faites en sorte qu’elle ne masque pas le nom du patelin sur la carte littéraire pour que votre lecteur sache qu’il se dirige en terrain connu. Jusqu’à un certain point, du moins. Un point de vue, plus exactement : le vôtre.

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De l’exemple nucléaire à la situation qui explose

La Chevrolet Fulgura

« Il enclencha le stabilisateur antigravitationnel de sa vieille Chevrolet modèle Fulgura quand il se gara en double file près de la banque sans éteindre son biréacteur nucléaire. Dans un soupir, il songea en ajustant sur son front son brouilleur de détecteur à reconnaissance facial, qu’il lui avait fallu moins d’un mois pour retomber dans les bas-fonds du crime avec l’espoir de pouvoir continuer à financer la cryogénisation du cadavre de sa femme. »

Bon, ni crissements de pneus ni enfilage de cagoule, mais on se doute que l’homme va effectuer un braquage, que ça se passe à une époque peut-être pas si lointaine que ça mais futuriste quand même, et que suite au décès de son épouse dont la dépouille n’a été ni enterrée ni incinérée, mais bien cryogénisée, des progrès scientifiques seront peut-être évoqués et développés grâce aux dernières avancées sur la cryogénie, car vous vous chargerez de les relayer, – et bien sûr les exploiter –, à travers votre histoire. Sinon, désolé de vous le dire ainsi, mais vous seriez bien benêts.

L’amour est-il de la science-fiction ?

Votre lecteur voudra sûrement en savoir plus à ce sujet, en tout cas ; et bien sûr, si le hold-up tourne bien ou mal, si l’aimée du holdupien (mais si, ça se dit) sera ramenée à la vie, etc. Mince, si on n’était pas certain que les cendres de Walt Disney aient été dispersées en Californie, j’aurais contacté ses ayants-droits pour leur soumettre l’idée de ce roman qui n’a dû être utilisée qu’un millier de fois. Bon, d’accord, mais la Chevrolet Fulgura nucléaire, qui vient de l’inventer à l’instant, hein ? On tient un truc, je vous dis, on tient un truc… À présent, nous allons passer de la science-fiction à l’amour (oui je sais, c’est un peu la même chose).

Trébucher sur son destin

Je vais tricher un peu en reprenant l’une des phrases de l’introduction d’un des deux romans de science-fiction pure de Stephen King, Les Tommyknockers (pour ceux qui doutaient encore que la SF et l’amour n’étaient guère éloignés…). Je me suis donc contenté de changer les prénom et nom de l’héroïne : « Le 21juin 1988, Virginia Kenton trébucha littéralement sur son destin près du village de Haven, dans l’État du Maine. ». Mince alors, si ce n’est pas une formule qui frappe l’esprit, ça ! Une formule accrocheuse… Revenons à nos amourettes, et voyons sur quoi votre propre Virginia aurait bien pu trébucher et la conséquence que cela entraînerait.

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Causes et conséquences

Le cocker, la femme et le polar

La suite de cette phrase pourrait par exemple être celle-ci : « En butant du pied contre le jouet en plastique de leur cocker que le chien avait abandonné dans le bureau de son mari où Virginia était venue chercher une revue scientifique, elle fut déséquilibrée et seule l’étagère contenant la collection de polars de son cher et tendre l’empêcha de s’étaler sur le parquet. Elle se fit mal à l’épaule en heurtant le meuble d’où un livre tomba. Elle jura en s’agenouillant pour le ramasser, sachant combien l’homme avec qui elle vivait depuis quinze ans prenait soin de ses romans comptant de nombreuses premières éditions et des pièces de collection très rares…

La découverte inopinée comme mode attractif

Euh, ne partez pas maintenant, hein, c’est là que ça devient vraiment intéressant : « En le prenant, elle vit que le coin supérieur s’était écorné dans la chute, et vérifia qu’il ne s’agissait pas d’un de ces précieux ouvrages pour que la contrariété de son époux ne lui vaille pas une de ses bouderies dans lesquels il s’enfermait parfois deux ou trois jours durant. Sans y réfléchir, elle l’ouvrit pour s’assurer que c’était un bouquin banal qu’elle pourrait lui racheter rapidement. Peut-être ne s’en rendrait-il même pas compte. Mais ce qu’elle vit la glaça plus sûrement que si elle venait de découvrir qu’elle avait entre les mains une édition originale…

La trahison était dans la boîte aux lettres

La tension monte, n’est-ce-pas ? On a déjà une petite idée de ce que Virginia va apprendre, mais autant vérifier : « Le polar contenait une petite enveloppe parme sur laquelle courait une fine écriture bleue. Une écriture féminine. La lettre était adressée à son mari. Évidemment. Il n’y avait que lui qui relevait le courrier. Elle n’expédiait et recevait que des mails et des coups de fil depuis bien longtemps. C’est pour ainsi dire naturellement qu’il détenait l’unique clef de la boîte aux lettres. Logique. Normal. Cadrant avec son monde où ne figurait dans un roman que ce que l’auteur y avait écrit. »

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Le champ des possibles

Un monde qui s’effondre par un fait du hasard

Ce coup-ci, je vous promets que vous n’avez plus que quelques secondes à tenir suspendu au rebord de la falaise : « Un monde qui était en train de s’écrouler parce que ce connard de clebs avait laissé traîner son joujou qui émettait un bruit l’exaspérant chaque fois qu’il le mordillait et faisait s’esclaffer l’homme qu’elle croyait connaître par cœur. Tordant, vraiment. Le papier à lettre était du même parme. L’écriture du courrier du même bleu. La pétasse était du genre raffinée. ‘‘On verra si tu as toujours l’air aussi raffinée quand je me serai occupé de toi’’ murmura-t-elle en remettant le livre à sa place après avoir lu et relu le mot d’amour de l’inconnue jusqu’à avoir l’impression que son cerveau crépitait de haine. »

Quelles réactions ?

Voilà, tout le champ des possibles est désormais ouvert. Votre lecteur est accroché en se demandant quelle va être la réaction de Virginia lorsque son mari rentrera d’un de ses cercles littéraires ou autres cafés philosophiques (« tu parles ! »). Une diatribe de femme trompée dans les règles de l’art ? Une puissante gifle suivie d’un mutisme valant les reproches les plus cuisants. Ou bien un quotidien qui ne variera pas d’un iota pendant que, jour après jour, Virginia mûrira sa vengeance ? Une vengeance dont la subtilité irait jusqu’à se faire une « amie » de la pétasse raffinée l’amenant à détester son amant féru de polars ? Quelque chose d’encore plus tordu ? Je vous fais confiance pour, dans vos prochaines histoires, mettre votre lecteur au supplice. Le pauvre.

Quand les sentiments prennent la poudre d’escampette

Je vais l’ai dit, le champ des possibles est à présent prêt à tout ce que votre imagination souhaitera avec délectation y faire pousser. Cruauté, pardon, détérioration mentale du mari, mort de sa maîtresse, tout ça à la fois ? Ou n’importe quoi relevant de votre fantaisie. Si un récit de science-fiction est proche de l’amour, ce dernier n’est parfois pas très distant du polar à tous points de vue, comme on vient de le voir : les ravages du cœur peuvent faire s’enfuir les tendres sentiments aussi vite qu’une Chevrolet Fulgura nucléaire est capable de prendre la poudre d’escampette.

Le temps suspendu

Partant du principe élémentaire que tous les sujets disséminés dans chaque genre sont dignes d’être attractifs pour peu qu’on leur rende justice en ne les traitant pas par-dessus la jambe, et qu’un cliffhanger n’est au fond que la chute d’un chapitre n’achevant pas une histoire mais en assurant la continuité, vous avez en main de quoi faire émerger des personnages de cette vaste étendue qu’est votre imaginaire. Et de les suspendre au rebord de la falaise le temps qu’il le faudra pour que votre lecteur soit intrigué quant au sort que vous leur destinerez…