Apprendre & Pratiquer le métier d'écrivain

Trouvez les vrais mots pour écrire

Les vrais mots sont là, prêts à émerger de notre profondeur afin d’étayer nos idées, ces histoires qu’on mijote, un jour prêtes à servir.

L’écriture charrie dans son sillage pléthore de mots dont il nous revient de trouver lesquels serviront au mieux notre propos. Certains se déposent sur la page avec l’irrésistible légèreté de l’évidence, d’autres  exigent de notre part des arbitrages délicats. La vie implique des choix, des directions à emprunter. Rien d’étonnant, quand écrire se veut l’un des reflets de notre existence, que nombre de nos phrases s’apparentent à des pattes d’oie. Dans quel chemin notre esprit doit-il se diriger afin que notre pensée arrive à bon port ? Quels mots en seront le plus sûr guide ? La plus fidèle traduction ? La plus authentique ? Ne cherchez plus : ce sont les mots vrais. Et on va aider le mec à les trouver dans un voyage au centre de sa terre…

C’est ta terre, mec

Les mots pierreux

Laisse parler ton cœur, mec, il trouvera les mots. Les vrais, ceux qui osent des caresses ou donnent des gnons. Ils sont là en toi, pénibles à atteindre parfois, mais enfouis moins profond que tu pourrais le croire. Certains sortent de terre comme le font les pierres dans des champs malmenés par les gels et dégels successifs. Ton esprit est un champ, mec, remué lui aussi par bien des phénomènes, l’érosion de ses illusions, le labourage de ses joies, le ruissellement de ses déceptions, l’ensemencement de ses projets. Alors tels les cailloux, les mots remontent à la surface. S’il y en a qui demeurent hors d’atteinte, inutile d’en chercher la raison. Ce n’est peut-être pas le bon moment.

Le vocabulaire à vif

C’est sûrement mieux qu’on ne puisse pas mettre la main dessus quand on n’est pas prêt à voir ce qui recouvrait les arêtes aigues d’un vocabulaire tant à vif qu’il t’aurait fait saigner l’âme. Tu dois laisser venir les choses, mec, pas déterrer tout et n’importe quoi comme un branque. Tu ramèneras à la lumière ce qui doit l’être en temps voulu. Il y a plein de trucs que tu seras surpris et ravi de voir émerger du sol mystérieux qu’est ton inspiration. Tu t’en feras un petit trésor de mec, ou de nana si jamais t’es une nana, mec.

Les sables mouvants de la conscience

Pour l’originalité, tu devras trier tes mots rocailleux selon l’aspérité recherchée, la douceur voulue d’un polissage, la forme bizarroïde d’un minerai dont tu ignorais trouver la trace dans ta géologie personnelle. Parce que tu ne connais pas complètement la composition de ton terrain intime, les sables mouvants de ta conscience, les ruisseaux de rêves où tu n’as pas pied, les torrents troubles de tes émotions. Tu tâtonnes en toi à la recherche de ton écriture, de tes phrases les plus terreuses comme de ton style le plus minéral, si tu considères ça sous l’angle d’un puits dans la mine où il te faut descendre.

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Prépare-toi et fais tes choix, mec

Le partage du butin

Puis tu effectueras le chemin inverse pour hisser à l’air libre les pépites de ton gisement cérébral ; tout t’appartient, du moins jusqu’à ce que ce soit extrait. Car une fois exposé aux yeux de tous, ton butin n’est plus vraiment à toi. J’espère que tu t’y étais préparé, mec. Faudrait surtout pas que tu aies le sentiment d’être dépossédé d’un bout de qui tu es, il sera jamais question de ça. Ton filon de mots est inépuisable, mais tu ne l’exploites pas pour ta seule richesse. Tu apprendras à aimer ce partage, et ce seront d’autres bénéfices que ceux récoltés dans le bourbier de tes idées que tu recevras au centuple.

Troc de trouvailles

Franchement, tu crois que ça discute des tarifs au fin fond de ton intériorité ? Que des p’tits bonhommes une pioche sur l’épaule fixent le prix de ta valeur lexicale pour la faire coter en bourse ?  Que dalle ! Au mieux, il y a du troc de trouvailles dans tes cogitations. Tu échanges une jolie phrase contre une formule choc, ou inversement, parce que l’une ou l’autre boucle mieux la fin d’un paragraphe ou éclaire davantage un chapitre. Tu saisis par la taille une réplique bien balancée, la plaque pour une répartie qui a su t’aguicher, te laisse séduire en la quittant au profit d’un bon mot inspiré par l’actualité. Tout ça en restant en bons termes, bien sûr.

Vocabulaire sous porte cochère

Tu continues sur ta lancée, soupèses telle description, composes le rythme d’un dialogue, estimes la portée d’une pensée, allèges ses développements, examines la pertinence d’une trouvaille par rapport à celle toute neuve qui t’es venue à sa suite. Puis tu changes tout : tu remplaces tel adverbe, tel adjectif, tel nom pour que ça sonne mieux ; du troc, du troc et encore du troc à n’en plus finir ! C’est le bizness de tes neurones, sous ton crâne ils font leurs affaires comme à l’abri d’une porte cochère. Y a des mots vrais dans leurs murmures, des tractations dans ta réflexion.

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T’es dans la Galerie Blanche, mec

Là où s’égarent les pas mentaux

Arrive un jour où tu te rends compte que tu t’es perdu, même si tu ne connais que trop bien l’endroit où tes pas mentaux t’ont mené. Quelle poisse ! Tu t’en doutais quand au détour d’un coude tu as vu que le tunnel s’étrécissait. À peine si tu es parvenu à t’y glisser de face. Tu as vite compris où tu allais déboucher en sentant l’air se raréfier, vicié au point que ton cerveau t’a paru mal oxygéné. Plus moyen de réfléchir correctement, mec, c’est vraiment merdique ici. Tu as l’expérience de cette situation, alors pas de panique, faut juste garder en tête qu’une issue à ce lieu redouté existe : on ne reste jamais coincé dans la Galerie Blanche.

Le poids du wagonnet

Certaines légendes affirment pourtant que des écrivains plus chevronnés que toi s’y sont éteints, enfermés dans cette partie de la mine de l’imaginaire. Ou bien qu’ils sont ressortis de là un beau matin totalement harassés. Et qu’ils poussaient leur wagonnet à minerais textuels au prix d’immenses efforts, ce foutu chariot donnant l’impression de peser des tonnes. Tout le monde se demandait ce qu’il pouvait bien contenir, et tu sais quoi ? Oui, tu le sais : il était vide, mec. Ça donne un vague aperçu du poids du désespoir, tu ne crois pas ? Ne pas réussir à écrire une seule ligne est un des pires faix de l’écrivain. Ça épuise son homme, l’inertie des heures improductives.

Le contrat en un clin d’œil

À tes débuts, jeune prospecteur littéraire, tu pensais que la Galerie Blanche se résumait à un cul-de-sac où ta créativité allait définitivement être soufflée par un coup de grisou. De fait, les mots qui te venaient en ce lieu et que tu couchais sur le papier n’étaient pas les vrais, ton cœur le savait. Rien ne se déversait de ton esprit que des idées falsifiées par l’agacement. Tu as ainsi appris une chose : aussi habile sois-tu, tu pourras tromper ton lecteur avec ce vocabulaire frelaté, mais pas berner ton palpitant. Et tu n’oublies pas que les seuls mensonges destinés à qui te lit sont ceux conçus pour lui faire admettre que ce que tu inventes est la réalité. Alors tu ne le dupes pas ni te leurres toi-même, c’est un contrat tacite entre vous paraphé d’un clin d’œil.

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Les mots justes

Les cristaux du jargon

De temps en temps, tu pousses ton wagonnet jusqu’à la Cavité du Jargon. Là, tu prélèves des mots qui ne sont pas les vrais mots, mais les mots justes. Pour l’essentiel, tu ne les utiliseras qu’en cette occasion afin d’injecter des cristaux d’authenticité dans la veine de ton récit. Tu devras en comprendre le sens, mais pas nécessairement les retenir une fois qu’ils auront étoffé ton histoire. Ceux étant uniquement employés dans le cadre d’un métier spécifique ne te seront pas d’une grande aide ailleurs. S’agit donc pas que tu les arraches à leur milieu naturel, ça vit mal loin des territoires où ils prospèrent, les termes du jargon. Souviens t’en, mec.

Le cambouis des mots justes

Puis tu ne seras pas forcément à l’aise avec certains mots justes intégrant les sociolectes. Mais si tu y recoures, il faudra quand même que tu aies plus qu’une vague idée de ce dont tu parles, sinon ton lecteur flairera la désagréable odeur de la littérature en carton-pâte. Celle du langage des singes savants, de l’esbroufe, de la verroterie sémantique. Pas besoin de savoir comment fonctionne un moteur si ton personnage se contente de conduire une voiture. Mais s’il doit la réparer, tu devras plonger les mains dans le cambouis, sinon ton histoire souffrira d’une mécanique branlante, mec.

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Tu ne liras jamais assez, mais tu risqueras de lire trop, mec

Jamais assez

Jamais assez d’écrivains aux ongles sales d’avoir gratté l’écorce terrestre qui sert de couverture aux dictionnaires de la vie. Ceux qui renferment les mots brillant de l’éclat du réel, les vrais mots dont je te cause depuis le début. Accoude-toi au comptoir de cette littérature où fument les cafés amers, le tabac gris et la colère. Où coulent les boissons fortes, grillent les mélanges opiacés, hurlent les sentiments. Où les drames se racontent le sourire aux lèvres, les histoires d’amour le regard hanté, les plus beaux souvenirs la gorge pleine de fleurs. Tu l’auras compris, pas l’écriture falsifiée pour faire prolo ou romantique du bitume, mais celle généreuse à en oublier les bonnes manières, à étaler ses coudes sur le zinc, ancrés dans les souffrances et les enthousiasmes de l’aube de tous les récits qui brinquebalent pour toujours dans nos mémoires. Alors que lire, par exemple ? Tu vas voir ça, mec.

C’est ton tour, mec

En premier lieu, le délire continu et hilarant de Kotzwinkle auquel j’ai emprunté son mec répétitif de Fan Man pour t’interpeller tout au long de cet article, même si, encore une fois, t’es peut-être une nana, mec. Tu pourras aussi lire quelques incontournables parmi lesquels Philip Roth, Paul Auster, Joyce Carol Oates et John Irving, bien sûr, mais aussi W.C. Heinz, John Fante et si tu respires encore, la trilogie barrée de ce génial fou furieux qu’était Earl Thompson, paix à son génie écorché dans les barbelés de son cœur. Jack Ketchum, je t’en ai déjà parlé en te recommandant de ne surtout pas le lire si tu voulais que quelque chose d’intact subsiste en toi, mais à présent c’est le moment où tu peux te grouiller de passer outre mon conseil, mec. Me traîne pas devant les tribunaux après l’avoir lu, même si tu m’en veux d’avoir refermé son bouquin en te demandant si tu auras le cran de le rouvrir un jour. Te bile pas, mec, je vais te filer quelques autres bonnes adresses où se faire griller la rétine au feu sacré des écrivains que leur art consume.   

Vraiment jamais assez

Si tu aimes les nouvelles, j’ai du consistant sur les étagères : F.X Toole (encore de la boxe après Oates et Heinz, un excellent round fais-moi confiance), Annie Proulx (des chevaux, des hommes et des murmures, mais ça n’est pas l’histoire à laquelle tu penses ), Thomas Owen (la dernière fois où tu regarderas les cochons comme tu l’as toujours fait jusqu’à maintenant), Dan Simmons (si tu es prêt à remonter le Styx à contre-courant), Carson McCullers, Paolo Bacigalupi, Flannery O’Connor, Pat Cadigan (tu verras ce que la pluie donne et prend), Jim Harrison (au cœur d’un automne où sèchent les sanglots des hommes), Dino Buzatti (qui n’est pas que l’inventeur du steak tartare).

Lire trop ?

Le paragraphe le plus court de cet article seulement pour te dire qu’il n’y a d’excès dans la lecture que celui consistant à se plonger dans des bouquins d’où les vrais mots sont totalement absents. Une perte de temps au détriment des livres où ces mots-là patientent sagement en t’attendant. Et ton temps est précieux, mec ; ton cœur le sait. Si tu l’écoutes, il te le dira avec ses mots…

Romans

Fan Man – William Kotzwinkle – Éditions Cambourakis.

La tache – Philip Roth –  Éditions Folio.

Mr Vertigo – Paul Auster – Éditions Le Livre de Poche.

De la boxe – Joyce Carol Oates – Éditions Tristram

L’hôtel New Hampshire – John Irving – Éditions du Seuil.

Ce que cela coûte – W.C. Heinz – Éditions Monsieur Toussaint Louverture.

Demande à la poussière – John Fante – Éditions 10/18.

Un jardin de sable – Earl Thompson – Éditions Monsieur Toussaint Louverture.

Une fille comme les autres – Jack Ketchum – Éditions Bragelonne.

Recueil de nouvelles

Million dollar baby – F.X. Toole – Éditions Le Livre de Poche.

Les pieds dans la boue – Annie Proulx – Éditions Rivages.

La truie – Thomas Owen – Éditions Labor.

Le Styx coule à l’envers – Dan Simmons – Éditions Denoël.

La ballade du café triste – Carson McCullers – Éditions Le Livre de Poche.

La fille flûte – Paolo Bacigalupi – Éditions Au diable vauvert.

Les braves gens ne courent pas les rues – Flannery O’Connor – Éditions Gallimard.

Les garçons sous la pluie – Pat Cadigan – Éditions Denoël.

Légendes d’automne – Jim Harrison – Éditions 10/18.

Le K – Dino Buzzati – Éditions Le Livre de Poche.