Une bonne résolution
Une bonne résolution serait de nous autoriser à écrire et de nous accorder du temps ! Cette soudaine détermination nous aide à torpiller nos habitudes d’être toujours débordé. Dommage que la tradition nous limite au seul premier janvier. Pour y remédier, vous trouverez ci-dessous une méthode aussi originale qu’efficace. Et en plus, vous allez gagner cinq mois d’écriture en moins de dix minutes… comme quoi l’auteur de cet article est généreux et pense à vous !
Ce qu’il manque à tout écrivain
Un auteur peut, à un moment de son parcours, être à court de différentes choses ou dépourvu d’autres : d’idées, de technique, d’expérience, de concision, d’originalité, de style, d’énergie, de recul, de motivation, d’esprit analytique, de cohérence narrative, etc. Un facteur les cristallise toutes : le manque de temps. Ce à quoi il est possible de remédier, comme nous allons le voir…
Sommaire
Comment prendre du bon temps
De la saint-glinglin aux calendes grecques
Chaque élément de la liste non exhaustive ci-dessus nécessite en effet qu’on y consacre des moments plus ou moins étendus au cours de sa journée, au fil des semaines, le long des mois, dans la succession des saisons constituant une année. Faute de quoi on reporte une difficulté sine die, et de la saint-glinglin aux calendes grecques elle nous reste sur les bras, rejoignant d’autres problèmes dont l’empilement finit par masquer la vision de l’histoire qu’on écrivait. Au risque qu’on la perde peu à peu de vue. Je le rappelle : pas par incompétence, absence de talent ou défaut de maîtrise de son sujet. Non. Simplement car on imagine à tort ne pas avoir une minute à soi. C’est donc parce qu’on ne s’accorde pas la respiration temporelle nécessaire afin d’examiner posément l’obstacle nous empêchant d’avancer qu’on finit par stagner et se décourager.
Comme un écrivain, une méthode doit être appliquée
Me sentant l’âme altruiste, j’ai décidé de vous faire gagner un temps précieux pour écrire. Cinq mois, environ. Ma méthode est infaillible à la seule condition que vous la mettiez en application dès après avoir achevé la lecture de cet article. Selon une étude tout à fait sérieuse car effectuée par mes soins, et qu’aucune autre n’est venue contredire puisque tout le monde en ignorait l’existence, neuf minutes et trente-cinq secondes en moyenne vous seront suffisantes pour parvenir jusqu’à la dernière ligne de ce papier. Avouez que pour vous offrir près d’un semestre d’écriture, la mise est modeste au regard du gain de temps qu’elle rapporte, pas vrai ? Vous êtes sceptique ? Alors on en reparle dans neuf minutes et trente-cinq secondes…
Un mois presque parfait
Vous n’ignorez pas ce qu’est une bonne résolution. Je veux dire, il ne rentre guère dans vos habitudes de vous retirer dans une grotte dès le lendemain de la Saint-Sylvestre jusqu’à l’ultime jour de janvier, n’est-ce pas ? Car c’est précisément durant cette période que vous qui me lisez et moi qui vous écris sommes à ça de devenir parfait. Enfin, proche des lambeaux de la perfection accessibles au genre humain que sont la perte de quelques kilos, la zénitude au volant, l’arrêt du tabac, l’augmentation d’exercices physiques, la pratique de gestes écologiques au quotidien, des rapports apaisés avec sa belle-mère, la mise en route d’un roman et un don de vingt euros à une association caritative. La dernière bonne résolution de cette liste, toujours honorée, est faite pour moins culpabiliser de ne pas s’être tenu à celles qui la précèdent. Ah, si nous avions disposé de 5 mois d’écriture supplémentaires…
Commencer, continuer, terminer
Décrire l’envol une plume à la main
Parmi ce catalogue de belles paroles, quelques écrits vont-ils rester après leur envol ? Vous savez, ces travaux littéraires que les agapes à peine achevées on se promet de commencer, continuer ou terminer. Roman ou recueil de nouvelles, qu’importe : une année se présente à nous pour y parvenir, quel que soit le stade d’avancement de notre projet. On a le temps. Croit-on. Puis comme beaucoup on ôtera les décorations du sapin début février en appelant le printemps de nos vœux, et à la mi-mars on s’apercevra avoir plus souvent gratté notre pare-brise que du papier. Inutile de s’affoler pour autant, il nous reste neuf mois, le temps de gestation idéal, après tout.
De la montagne à l’océan, le temps fuit
D’ailleurs, on pourra mettre à profit les vacances d’été auxquelles on commence déjà à songer pour en fiche un bon coup question écriture. Au moins quatre pages par jour, en regardant à l’aube le soleil embraser la crête de la montagne depuis le petit balcon de l’appartement qu’on aura loué ; ou en écoutant la rumeur nocturne de l’océan proche de la terrasse où on se sera installé dès l’apparition des premières lumières sur la côte. La quinzaine écoulée, on reviendra les valises plus lourdes des soixante pages ainsi écrites. Ou trente. Bon, dix feuillets pour attaquer la rentrée, ce ne sera pas si mal ! Et puis, il restera un bon trimestre devant nous ; rien ne presse…
La manche et la mer
J’arrête là ma « démonstration », puisque vous connaissez par cœur ce processus de lente dislocation de nos plus solides promesses littéraires. Ces circonstances idéales où l’inspiration transcenderait notre talent au cœur d’un moment calme relève d’un fantasme d’auteur peinant à trouver le temps d’exercer son art. Eh oui, on en revient éternellement à ces secondes s’écoulant sans qu’on les ait investies de la moindre de nos idées. Il nous faudrait des semaines bissextiles pour ça, non ? Leur ajouter un jour planqué sous la manche du dimanche ou englouti dans la mer du mercredi. Augmenter d’un souffle notre capacité texto-pulmonaire afin que notre imagination puisse respirer plus librement. Pas si simple ? Avant de découvrir comment gagner 5 mois d’écriture, examinons quelques-unes de nos phases créatrices.
Ça se passe parfois comme ceci…
– commencer : l’enthousiasme d’un nouveau projet confère une énergie telle qu’il faut parfois de très nombreuses soirées avant que quelque découragement l’entame. Certains écriront ainsi trente, cinquante ou soixante-dix pages en deux, trois mois. Mais cette même énergie peut consumer ceux n’ayant pas auparavant longuement réfléchi à la meilleure façon de la canaliser. Ne pas prendre le temps de cette réflexion expose les partisans du « On verra bien » à s’éparpiller dans un bouillonnement improductif dont il leur sera difficultueux de s’extirper.
– continuer : parvenu au moment charnière d’un récit, on mesure le travail accompli et la somme à peu près égale d’efforts qu’il reste à consentir afin de boucler une histoire dont l’ivresse des premiers élans est déjà loin. Soit on est capable de reproduire la même dose de travail grâce à une bonne gestion du temps, soit on s’est usé en se dispersant pour en arriver là et, démotivé, on est à deux doigts de jeter l’éponge.
– terminer : comme le marathonien ayant puisé dans ses réserves durant des kilomètres pour enfin apercevoir la ligne d’arrivée, l’écrivain au moment de toucher au but peut soudain payer l’accumulation de tous ses efforts, et, l’esprit haletant, être frappé d’une crampe cérébrale paralysant toutes ses idées. Ou dans une dernière impulsion ébranler ses pensées vers un finish rageur permis par l’important travail préparatoire qu’il se sera accordé.
…et parfois comme cela
– commencer : on ne sait par quel bout débuter notre histoire ni qui mettre en avant dès la première page, si notre héros doit immédiatement entrer en scène ou arriver sur le tard… trop de questions provoquent un retard à l’allumage. Ou on sent dès les premières lignes qu’on dirige presque intuitivement des personnages qu’on aura décortiqués avec soin en amont, et qu’ils se mettent à exister avec fluidité sous notre plume.
– continuer : La tentation de revenir sur tout ce dont on est venu à bout jusqu’à maintenant se fait jour, que ce soit à la marge ou dans des proportions importantes : notre intrigue est-elle structurée de la façon dont on l’avait imaginée ? Si on a peaufiné notre scénario aussi longtemps que nécessaire pour estimer que oui, on repart de plus belle, dans le cas contraire la machine à hésiter se met à cracher ses jets de fumée défaitistes.
– terminer : a-t-on répondu à toutes les questions que notre livre pose ? Doit-on d’ailleurs apporter une réponse explicite à chacune d’entre elles au risque d’empiéter sur la nécessaire part de réflexion du lecteur ? Ou laisser à sa sagacité des interrogations en suspens, se délestant ainsi du fardeau de qui doit refermer toutes les portes précédemment ouvertes ? Ces interrogations évoquées en temps et en heure, et pas au dernier moment, garantiront d’envisager l’ultime ligne droite sereinement.
Le grand jour
Donnez de l’élan à votre calendrier
Je vais mettre un terme au suspense insoutenable (si si) proliférant comme du lierre dans cet article et vous dire enfin comment s’y prendre concrètement. Je préfère vous avertir de notre entrée dans la partie la plus chronophage de ma méthode. Ça devrait vous prendre 10 secondes, pour les moins rapides d’entre vous. D’abord, merci de bien vouloir vous munir d’un calendrier et d’en rayer la date du jour d’un coup de stylobille ou mieux, d’un marqueur. Une fois ce 5 septembre 2020 biffé, inscrivez cette formule magique à la place : 1er janvier. Quoi, c’est tout ? Oui, à peu près. Dès demain, vous barrerez le 6 septembre 2020 de la même manière et lui substituerez un autre 1er janvier, après avoir supprimé celui de la veille. En effet, pour que le choc psychologique fonctionne à plein, il est préférable de conserver au 1er janvier toute sa rareté. Cette opération est à répéter jusqu’au 31 décembre de cette année. Par ce geste simple, vous venez de filer un superbe élan à votre calendrier. Laissez-moi à présent vous expliquer pourquoi.
Le Jour de l’Impulsion
Bien. À compter de cet instant, vous venez de gagner 149 jours d’écriture. Les plus méfiants recompteront. Ces 149 jours sont ceux vous séparant du 1er janvier 2021. J’ai retenu le 1er janvier pour ce qu’il génère de positif chez une multitude de personnes, hors de toute autre connotation. Si vous préférez, vous pouvez le renommez le Jour de l’Impulsion ou tout ce qui vous incite à aller de l’avant dans votre écriture. Je sais que certain(e)s d’entre vous sont déjà en train de hurler à l’escroquerie intellectuelle. Ma foi, je plaide non coupable. Vous ai-je soutiré quoi que ce soit, hormis un peu de votre temps – moins de dix minutes ? J’admets volontiers cet emprunt, mais afin de vous en faire gagner beaucoup plus. Car sous ses dehors de gadget, ce procédé vise à ce que vous intégriez au plus profond de vous-même que c’est le pouvoir qu’on accorde à certaines choses qui les rend puissantes.
De l’aphorisme au mantra
Vous connaissez ces phrases telles que « Aujourd’hui, ma nouvelle vie commence » et leurs multiples variantes. De l’aphorisme au mantra, l’esprit humain n’a cessé de s’appuyer sur des formules l’amenant à se dépasser. Pourtant, jusqu’alors, vous n’aviez jamais « premierjanvierisé » votre pensée sur le long terme, je me trompe ? Comme si seul le jour de l’An permettait aux manieurs de phrases que nous sommes de se sentir capable de devenir écrivain. À part la place qu’elle occupe sur un bout de carton, cette journée ne se différencie pourtant en rien des autres. Est-elle exposée à un alignement de planètes des plus favorables ? Non. Je ne sache pas que cette date offre par ailleurs la garantie de décupler vos qualités littéraires.
Un coup de marqueur sur les ailes du papillon
Malgré cela, elle est chargée d’un espoir aussi irrationnel que symbolique. Comme son appellation de nouvel An l’indique, elle marque un renouveau donnant le sentiment qu’on sort d’une bonne douche après avoir traversé une tempête de poussière. Le côté éphémère de cette sensation n’en retire pas l’élan évoqué plus haut, élan reproductible aussi facilement que vous remplacerez, même virtuellement, toutes les dates menant jusqu’à la fin de l’année. Cependant, je crois à la force de l’acte, si minime puisse-t-il paraître. Au coup de marqueur comme au battement d’ailes du papillon dont on sait ce qu’il peut déclencher. Alors laissez les jours nouveaux vous entraîner dans une tornade d’inspiration…
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