Apprendre & Pratiquer le métier d'écrivain

Quel est le point commun des écrivains talentueux ?

Savez-vous quel est le point commun entre Stephen King, Philippe Claudel, Dino Buzzati, Erich Maria Remarque et Haruki Murakami ?

Outre le fait d’être des écrivains pétris de talent, s’entend.

Ils ont tous écrit des nouvelles. Eux et bien d’autres auteurs ployant sous les lauriers du succès.

 

L’art de se donner un petit genre

Ce genre souvent méprisé est admirable. Qu’entend-on ? « Une nouvelle, c’est facile, ça demande peu d’efforts, ceux qui en écrivent n’ont pas en eux le souffle magistral d’un roman. », et autres stupidités.

On doit à King, Claudel, Buzzati, Remarque et Murakami des romans portés aux nues à juste titre. Des chefs-d’œuvre.

À eux et à bien d’autres.

Combien se pincent le nez en disant « Ah oui, ces petits textes ! » ?

Comme s’il s’agissait d’un divertissement, quand c’est un art affirmé.


L’empreinte d’un amoureux visionnaire

Si quelqu’un a appréhendé depuis fort longtemps la puissance fantastique de la nouvelle et l’extrême rigueur qu’elle réclame, c’est bien René Godenne.

Ceux qui nous lisent régulièrement savent de qui l’on parle quand on évoque « Le pape de la nouvelle ». Qui s’est lui-même rebaptisé, dans un souci de communion avec son genre préféré, j’imagine, « Le pape du short »…

Il en faut de l’humour, quand on défend une part de la littérature trop souvent reléguée au second rôle. Mais l’ami Godenne ne veut pas placer en victime ce format – plus ou moins – court :

« Mais il ne s’agit pas de refaire ici, après tant d’autres, le coup du défenseur éploré de la nouvelle qui se lamente sur le manque de lecteurs, le rejet des éditeurs, l’indifférence de la critique… […] Je me suis interdit de m’engager dans ces vains débats concernant la terminologie ou la confrontation avec les autres genres narratifs, tant l’on a du mal à s’accorder sur le moindre élément, débats qui surtout éloignent de ce qui devrait être l’essentiel : faire aimer, faire lire la nouvelle. »

Ceci est un extrait de la préface de l’une des encycliques de René Godenne prêchant pour notre paroisse commune, La nouvelle de A à Z. L’une de ses manières de dire « Une place pour chaque chose, chaque chose à sa place. » Mais il l’exprime bien mieux.

Le long souffle du plus court des mondes

A travers lui, s’il me permet ce transpercement révérencieux, c’est un des pans le plus important de l’acte littéraire qui respire. Spécialisé dans les efforts francophones de ces pichenettes textuelles, René Godenne a créé le monde des absents ; les bannis des cercles, les exclus des coteries : les nouvellistes.

Bien qu’à force d’être véhiculée par des auteurs prestigieux la nouvelle ait fini par acquérir ses lettres de noblesse, on voit qu’elle a mis des siècles à obtenir un peu de respectabilité. La faute au peu de temps qu’elle mobilise question lecture ? Peut-être. Ce serait le fast-food de la littérature, avec la qualité moindre qui s’y rattache. Il ne faudrait pas beaucoup de talent pour « torcher » une histoire brève. Il n’y aurait pour ainsi dire aucune nouvelle mémorable…

Tant de clichés d’un genre sont confondants de bêtise.

 

La nouvelle, ou le ring des idées

Pourtant, difficile de s’y tromper : si une multitude d’auteurs de renom a érigé la nouvelle comme la quintessence de l’expression, avec ce que cela suppose de vivacité dans chaque idée, de la pesée du moindre mot tel un boxeur avant un combat, ce n’est pas pour rien. Ceux qui s’y collent savent l’exercice exigeant.

Faire exister des personnages en une maigre poignée de paragraphes est une gageure. Leur inventer une histoire tout autant. Trouver une conclusion satisfaisante au bout de trois ou quatre pages, un défi. Et même disposant de dix pages, l’affaire est ardue.

René Godenne l’a compris, qui sait que la nouvelle prend froid dans l’ombre d’un roman. Alors il la réchauffe, juste ici :  http://onuphrius.fr/

À consulter de toute urgence, ce mot constituant d’ailleurs une entrée dans La nouvelle de A à Z :

URGENCE : sentiment qui anime plus d’un nouvelliste : « Pourquoi des textes courts ? […] Parce que je ressentais le besoin de capter un instant senti comme essentiel et de le restituer. » (Geneviève Serreau).

Un genre qui touche à l’essentiel

L’essentialité est une des caractéristiques de la nouvelle. C’est la contraction de notre intellect au service d’une idée forte. Contrairement au roman, et sans vouloir les faire se regarder en chiens de faïence,  rien n’est dilué dans une nouvelle digne de ce nom.

 

Le pape fabriquant un trône

René Godenne, pape ou non, a repéré dans la nouvelle l’un des points cardinaux de la littérature. On ne saurait donner tort à celui ayant consacré un demi-siècle à porter ce genre à bout de bras. Son sacerdoce est admirable dans le sens où d’une cause qui semblait perdue, il a projeté sur elle la lumière de son esprit pour qu’elle émerge des convenances littéraires.

Notre ami belge est un fâché courtois. Il a ses rognes habiles, ses emportements polis. Son érudition est telle concernant la nouvelle qu’il force le respect. Un personnage, le Godenne. Découvrez-le, il en vaut le coup. Lui et sa lutte incessante  pour que le minuscule ne cesse de grandir.

Pour qu’une Lilliputienne accède au trône forgé de nombreux a priori.

 


A lire sans modération !

 

Le blog de René Godenne
> Revue contemporaine de la nouvelle
> 53 ans de publication
> Préface aux nouvelles du XXe siècle, inédit

 Cet article peut vous intéresser

René Godenne, historien de la Nouvelle et pape du Short