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Romans de l’été, romans de gare : quand la littérature voyage

Qu’est-ce au juste qu’un roman de l’été ? Un bouquin qui résisterait plus au sable et aux embruns chargés de sel que les autres ? Un ouvrage vendu avec un parasol ? Et que sont les romans de gare devenus ? Passés sous un train ? C’est enduit de crème solaire et le visage noir de charbon que j’attaque cet article…

Fin de bal

Chaque année, les romans de l’été bénéficient d’une forte exposition, pour ne pas dire supérieure à celle d’autres livres saisonniers. Où que l’œil se porte et où que l’oreille se tende, il n’y en a presque que pour eux, et ce sur une durée importante. Même les prix littéraires les plus prestigieux ne rivalisent pas vraiment sur ce terrain-là. Ils sont certes sous le feu des projecteurs en novembre chaque année, mais sont principalement concentrés dans quelques magazines spécialisés d’envergure nationale. Ritualisé, cet événement nous vaut quelques bousculades à la lueur des flashes à la sortie de deux ou trois établissements sélects, puis ça se tasse assez vite. C’est une bourrasque littéraire automnale ne laissant derrière elle que quelques jolies feuilles. Puis, la danse des lauréats tourbillonnant d’un plateau de télévision à l’autre  cessant vers la fin du mois qui les a couronnés, le bal s’achève.

Le triptyque du vacancier

En dehors de ce constat, il y a un phénomène qui pourrait paraître curieux mais qui pourtant s’explique : en vacances, quand on bouquine, il semblerait que la majorité d’entre nous ne veuille pas se compliquer l’esprit. Non pas que nous soyons en peine de parcourir un livre un peu ardu à ce moment-là, mais l’air ambiant parait faire triompher le triptyque farniente-soleil-lecture. Les romans feel-good, les cosy mystery (ou cosy murder), les recueils de nouvelles ou de pensées humoristiques, tout ce qui propose un style léger, agréable, ou permet de passer rapidement d’un récit à l’autre ou d’une page à la suivante ont le vent en poupe. Et bien sûr, nos incontournables auteurs préférés/à succès qu’il serait agréable de savourer sur le balcon d’une villa face à la mer (laissez-moi rêver, s’il vous plaît) font partie du lot. À nous de choisir selon nos envies – et nos possibilités – parmi les suggestions nous venant de toutes parts…

Entre transat et transistor

Combien de fois voit-on les couvertures d’une presse balayant un large public afficher des formules telles que « Quels livres emmener sur la plage ? », ou « Les romans que vous devez absolument mettre dans votre valise. », liste jugée idéale à la clef ? Ceci pour accompagner cette activité consistant à passer plus ou moins de temps en bord de mer encadré par le voisin de serviette qui a décidé de faire profiter le plus possible d’estivants d’une étape du Tour de France crachée par sa radio et une femme dans son transat dont l’enfant hurle depuis une demi-heure qu’il veut une glace à la vaniiiiiiille ! J’utilise ces clichés afin d’essayer de saisir la raison pour laquelle il est parfois préférable de ne pas se plonger dans une intrigue exigeant des trésors de réflexion – et donc de concentration – dans ce type de conditions.

Et l’amour, à la page ?

Dans mes bras, littérature !

Je n’oublie pas les romans catalogués « sentimentaux ». Comment sont-ils fabriqués, ces récits-là ? Oh, ce sont à peu près toujours les mêmes ficelles, des méthodes qui si elles sont éprouvées ne vont pas chercher bien loin : souvent une romance plus ou moins élaborée, comprenant quelques écueils faisant croire à un lecteur ne demandant qu’à être gentiment berné que les choses vont mal tourner. Puis un dénouement où le héros s’en tire bien, attirant  entre ses bras la farouche héroïne qui au début de l’histoire se refusait aux assauts plein de fougue du beau mâle trop sûr de lui. Ce dernier finissant par se remettre en question pour conquérir sa belle et lui vouer un amour sincère. Difficile de faire plus simple, question trame !

Les amours oubliables

Je caricature à peine, il suffit de relire Tue-moi chérie où je meurs ! pour vous en convaincre. Bon, inutile de rechercher ce titre imaginaire, c’est une expression venant de lointaines soirées où, la famille réunie devant un mélo, mon paternel employait cette expression pour se moquer avec bienveillance d’une scène à l’eau de rose. Bref, le roman oubliable par excellence et n’ayant d’autre prétention que de procurer un moment de détente à qui s’y aventure. Pas la peine de s’épuiser l’esprit pour en venir à bout, donc. Toute honte bue, je dois avouer avoir succombé à des romans estivaux de ce genre qui ne valaient pas tripette mais pour lesquels j’ai éprouvé un bref attachement – un amour de vacances, si l’on veut. Merci de ne pas effectuer un raccourci quant à la valeur de mes véritables amours de vacances. Non mais.

Quand le cerveau fait relâche

Bien entendu, ma description est très réductrice, car des intrigues sentimentales bien plus fouillées peuvent se retrouver entre deux pâtés de sable, mais consciemment ou non, nous sommes enclins à ne pas trop vouloir se triturer l’esprit quand les jours de relatif délassement attendus depuis longtemps arrivent. Sans dire qu’on souhaite s’abêtir avec une « sous-littérature » – je ne la considère aucunement ainsi, soyons clairs –, il peut-être compréhensible que notre cerveau souhaite faire un peu relâche avec des livres prévus à cet effet et de plus en plus assumés comme étant conçus en ce sens. D’ailleurs, il me paraît évident que nous soyons plus ou moins conditionnés par la prolifération des rubriques dédiées à cette littérature codifiée, tous genres confondus, inondant le paysage médiatique dès début juin.

Ne pas confondre roman de gare et roman de l’été

La littérature qui fait tchou-tchou

Ah, les romans de gare ! La littérature ferroviaire tant décriée et qui a pourtant ravi des millions de voyageurs, qu’ils effectuent un Poitiers-Châtellerault, comme votre narrateur dans sa jeunesse, ou des trajets de plusieurs heures à une époque où les trains allaient moins vite que le temps qu’il fallait pour écrire ces fameux bouquins. Ç’a marqué une époque, celle où non loin d’un guichet derrière lequel s’ennuyait le préposé jumeau du poinçonneur des Lilas de Gainsbourg s’étalait un présentoir proposant des livres aux couvertures et aux titres racoleurs. Vivement critiqués, parfois à raison, il me semble qu’on pourrait les considérer comme les ancêtres des romans d’été par leur destination à divertir sans se casser la tête le temps d’un trajet. Oui, le terme destination a été employé à dessein s’agissant d’évoquer les lecteurs-voyageurs : quel farceur je fais !

Une pseudo-littérature, une littérature des pseudos

Là encore, je ne porte pas de jugement négatif sur ce que propose, ou plutôt proposait cette écriture mise sur les rails. Elle correspondait à un besoin – ou l’a créé, peu importe qui a enfanté l’autre –, et si je ne saurais préciser à quel moment elle est morte de sa belle mort, la littérature de gare – la nature ayant horreur du vide – a vu des boutiques offrant un choix plus « classieux » lui succéder. Aujourd’hui, dans ces endroits, on trouve plus volontiers le  Goncourt ou le Femina, ainsi que les derniers best-sellers en date et des écrivains célèbres au lieu d’obscurs bouquins parfois écrits par le même auteur sous différents pseudonymes. Je le répète : en employant le terme « d’obscurs bouquins », il ne faut toujours pas y voir le moindre dénigrement de ma part.

Les écrivains de l’ombre

Ces « obscurs bouquins », on les devait la plupart du temps à des auteurs ayant le talent de produire rapidement des histoires qui sans être originales pas plus qu’elles n’étaient dotées d’un style éblouissant, parvenaient tout de même à faire passer un bon moment à celles et ceux qui en faisaient l’achat avant de prendre place dans leur compartiment de train. Mais si, souvenez-vous, avant qu’on ne « Coraillise » puis qu’on « Tégévise » le réseau ferré, nous nous faisions face sur des banquettes en skaï dans un endroit fermé où il y avait des cendriers et de petites photographies encadrées sur chaque parois opposées ! Eh oui, le monde change, on ne peut même plus se faire enfumer dans un espace confiné. Tiens, et si j’évitais d’employer ce dernier mot ? Pour finir, on peut dire que si le roman de gare est resté à quai, le roman d’été a su prendre le train en marche…

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